Les ambitions de l'APAJH : un jour cesser d'exister !

L'APAJH, dopée à l'enthousiasme, vient de fêter ses 50 ans. L'arrivée d'un nouveau gouvernement renforce ses intentions : faire naitre une société inclusive. L'APAJH pourra alors cesser d'exister. Le

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Handicap.fr : Le 22 et 23 juin 2012, vous étiez en Assemblée générale de la fédération des APAJH. Dans quel état d'esprit ?
Jean-Louis Garcia
: Ce fut une bonne AG. La motion d'orientation a été votée à 98 % et le rapport d'activité à 89%. Le président que je suis est optimiste. Cette période nouvelle avec le changement de majorité promet une concertation réelle qui ouvre de nouveaux horizons.

H.fr
: Le gouvernement précédent a tout de même initié de nombreuses mesures en faveur des personnes handicapées, même si ce n'est jamais assez...
JLG
: Vous plaisantez ! Celui de Chirac, oui ! C'est d'ailleurs lui qui a mis en place la loi handicap de 2005. Mais Nicolas Sarkozy a passé son temps à la détricoter, notamment en ce qui concerne l'accessibilité du bâti neuf. Certes, il a tout de même tenu ses promesses de revalorisation de l'AAH (Allocation adulte handicapé) de 25 %, et c'est une bonne chose.

H.fr
: Vous avez adressé aux principaux candidats à l'élection votre Pacte Handicap 2012. De quoi s'agit-t-il ?
JLG
: Composé de dix engagements, il se décline en quatre domaines (école, emploi et ressources, santé, accessibilité). Son objectif : reconstruire le consensus républicain qui avait prévalu lors de l'adoption de la loi de 2005. Le handicap ne doit plus être le parent pauvre du vaste chantier de la lutte contre les discriminations.

H.fr
: Avez-vous obtenu les réponses escomptées ?
JLG
: Seule Eva Joly a signé notre pacte, et trois autres candidats se sont exprimés positivement: Sarkozy, Bayrou et Hollande.

H.fr
: Et puisque François Hollande est désormais président, qu'en a-t-il pensé ?
JLG
: Il y a réagi de façon positive. Il a donné un accord de principe sur neuf des engagements mais n'a pas validé le revenu universel d'existence. Il souhaite d'abord faire un bilan de l'état financier du pays.

H.fr
: Avez-vous déjà eu des contacts avec François Hollande ? L'avez-vous rencontré ?
JLG
: Non, pas pour le moment. Il a, je pense, encore quelques chats à fouetter. Mais nous avons rendez-vous avec le cabinet de Jean-Marc Ayrault cette semaine. Nous avons écrit à tous les ministres dont la responsabilité pourrait toucher les personnes handicapées. 22 au total ! Nous avons reçu de nombreuses réponses et, depuis juin, nous enchaînons les rencontres. En particulier avec Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée aux Personnes handicapées et à la lutte contre l'exclusion. Avant la fin juillet, nous aurons fait le tour de toutes les personnes qui prennent en charge notre pays. On jugera évidemment sur les actes, mais la tonalité est réellement différente.

H.fr
: Ce qui n'était donc pas le cas avec le gouvernement précédent ?
JLG
: Nous avons mis un an et demi avant d'avoir un rendez-vous avec Nadine Morano. Quant à Luc Chatel, ministre de l'Education nationale, il n'a jamais daigné nous recevoir, sans même une réponse. L'APAJH n'est pourtant pas un petit « machin », surtout lorsqu'on sait le lien qui nous unit à l'école... Il y avait heureusement deux ministres avec lesquelles le dialogue était possible et la relation attentionnée : mesdames Bachelot et Montchamp.

H.fr
: Peut-on attendre davantage d'un gouvernement socialiste lorsqu'on est citoyen handicapé ?
JLG
: Je me fie aux premières impressions. Ces rencontres ont vraiment du sens ; nos interlocuteurs semblent à l'écoute et demandeurs de propositions. C'est en 2013 que les choses vont se jouer à travers la loi de finance et sur la sécurité sociale. Nous devons, dès à présent, manifester nos engagements, au risque, sinon, de voir passer le train...

H.fr
: De nombreuses annonces circulent sur le non-respect de l'accessibilité à tous les lieux publics en 2015. Que faut-il faire pour que cette loi soit enfin mise en oeuvre ?
JLG
: L'Assemblée nationale voulait légiférer afin de repousser cette échéance. Il n'en est pas question. J'ai bien peur que nous ayons besoin de moyens incitatifs et coercitifs pour faire appliquer cette loi. On annonce la création d'une agence dédiée. Pourquoi pas ? Mais encore faut-il qu'elle ait les moyens d'aider et de bousculer. Et pas seulement sur l'accessibilité physique mais pour tous les handicaps, y compris mental et sensoriel. Rendez-vous est pris en septembre avec Marylise Lebranchu (ministre de la Fonction publique) pour faciliter le travail avec les collectivités territoriales. L'expertise de l'APAJH, et du milieu associatif, est en mesure de les aider, de proposer des solutions, pour devenir de vrais partenaires. Mais je reste convaincu, sauf miracle, que l'échéance de 2015 ne sera pas respectée.

H.fr
: Qu'en est-il de l'obligation d'embauche des travailleurs handicapés ?
JLG
: François Hollande a déclaré qu'il souhaitait accentuer les sanctions pour les entreprises qui ne respectaient pas le plancher de 6 %, et à plus forte raison pour celles qui restent encore à quota zéro (aucune action engagée). Je crains que le bâton ne soit le meilleur moyen pour y parvenir...

H.fr
: Avez-vous été convié à la Conférence sociale du 10 juillet 2012. Les questions de handicap ont-elles été abordées ?
JLG
: Le 4 juillet, peu avant cette conférence, Marie-Arlette Carlotti a réuni associations, syndicats, représentants des employeurs, Agefiph, Fiphfp, Pôle emploi pour élaborer le discours qui serait porté lors de cette conférence, principalement sur la formation des travailleurs handicapés et leur maintien dans l'emploi. C'était la première fois que nous étions tous réunis de manière si exhaustive. Nous avons apprécié cette belle initiative. Lors de cette conférence, plusieurs « lignes » ont évidemment concerné les personnes handicapées même s'il ne faut pas attendre de réponses immédiates.

H.fr
: Quel est, pour vous, le chantier le plus prioritaire ?
JLG
: Passer de l'intégration à l'inclusion. C'est d'ailleurs l'objet de notre prochain colloque, le 10 décembre. Une véritable révolution culturelle pour l'APAJH qui était le chantre de l'intégration. Quelle est la nuance entre les deux ? L'intégration, c'est jouer des coudes et des mains pour faire sa place dans une société qui ne s'adapte pas ; l'inclusion, c'est bouger la société pour que chacun y ait sa place. C'est notre combat pour les vingt ans à venir. Il va, par exemple, falloir secouer l'école pour que les enfants en situation de handicap y soient accueillis et donc, pour cela, réduire les places en IME.

H.fr
: Mais les mentalités bougent-elles vraiment dans ce sens ?
JLG : Oui, je crois. Grâce à des films comme Intouchables, Hasta la vista, De rouille et d'os. Grâce aux Jeux paralympiques qui commencent à faire une réelle audience. On cache de moins en moins les personnes en situation de handicap même si certains continuent d'avoir peur et détournent le regard. L'inclusion, il faut vraiment y croire. « Je fais un rêve », qui signera notre réussite à tous : que l'APAJH tire le rideau et cesse d'exister... Mais ce n'est pas pour demain.

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