BERLIN, 02 juin 2013 (AFP) -
"Beaucoup de gens se disent: si une entreprise comme SAP dit que c'est judicieux... c'est très bon pour nous, cela signifie que c'est quelque chose de sérieux, de solide", commente Dirk Müller-Remus. Le cabinet de consultants en informatique qu'il dirige à Berlin compte 25 salariés dont 17 autistes.
Il a créé cette entreprise en novembre 2011 avec l'idée d'"investir sur les forces" de ces salariés potentiels, au profil si particulier. M. Müller-Remus sait de quoi il parle, un de ses enfants est atteint d'un syndrome d'Asperger, l'une des variantes de l'autisme qui se caractérise par des difficultés dans l'interaction sociale mais aussi par des capacités exceptionnelles dans certains domaines bien spécifiques.
La programmation informatique ou le contrôle qualité des logiciels constituent l'un de ses secteurs. "C'est mon talent", affirme simplement Melanie Altrock, 27 ans, l'une des salariées d'Auticon. "D'autres s'intéressent aux langues, aux maths, moi c'est l'informatique. Je ne cherche pas les erreurs (dans les logiciels), je les vois", raconte-t-elle à l'AFP.
Auticon est la première entreprise allemande à avoir décidé d'embaucher des autistes comme consultants. Elle a ouvert deux antennes à Munich (sud) et Düsseldorf (ouest), projette d'en créer une autre à Hambourg (nord) et vise l'équilibre économique "en fin d'année", affirme son patron. "Nous souhaitions une entreprise de conseil normale, sans subvention, sans dons, sans fondation associée", explique-t-il, ajoutant avoir voulu "combiner engagement social et +business+".
"Aujourd'hui, après un peu plus d'un an, nous avons de bons clients comme (le groupe de télécommunication) Vodafone, ça se présente bien", assure M. Müller-Remus.
Mais loin de tout angélisme, il souligne avec un certain sens de la litote que les autistes au travail, "c'est une question très complexe"."On peut faire beaucoup d'erreurs car les Asperger sont des gens très exigeants", affirme-t-il."Les autistes sont très concrets, sans équivoque. Il n'y a pas de sous-entendus, il n'y a qu'un ou zéro, c'est plutôt agréable", sourit de son côté Elke Seng, "jobcoach" chez Auticon, dont la mission est d'aider les salariés dans leurs relations au travail ou chez le client.
"Seulement 5 à 10% des personnes concernées par l'autisme trouvent une place sur le marché de l'emploi classique", souligne Friedrich Nolte, membre du bureau de l'Association fédérale pour le développement des personnes autistes.
"Leurs CV présentent souvent de brefs épisodes de travail entrecoupés de longues interruptions", détaille M. Müller-Remus. "Ils n'ont aucun sens des situations, peuvent paraître arrogants, n'ont aucun intérêt au +small talk+, les gens ne les intéressent pas car ils ne sont pas logiques", ce qui donne lieu à des incompréhensions parfois lourdes de conséquences, explique-t-il.
Dans ce contexte, l'initiative de SAP est vue d'un bon oeil: "que plus d'autistes puissent accéder à un travail, c'est vraiment super", souligne Mme Seng qui confesse trouver "passionnant" son travail de "coaching".
Pour le psychiatre et spécialiste de l'autisme Kai Vogeley du CHU de Cologne, interrogé par le "Journal des médecins" allemand, les autistes peuvent au travail "développer leur confiance en eux-mêmes" mais, insiste-t-il, "il faut réunir certaines conditions pour que ça puisse réussir".
"J'espère que SAP sait combien c'est difficile", affirme de son côté le PDG d'Auticon.
"Si on fait les choses bien, on peut vraiment atteindre de beaux résultats", estime-t-il. Sa collaboratrice autiste confirme: "j'ai un emploi à temps complet, je prends du plaisir, je gagne mon propre argent et j'ai mon propre appartement. Je suis heureuse que ce soit comme ça".
L'objectif de SAP est que d'ici 2020 les autistes représentent 1% de ses quelque 65.000 salariés dans le monde, a précisé un porte-parole de SAP à l'AFP.
Par Eloi ROUYER
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