RABAT, 26 juin 2013 (AFP) -
Un traité international de longue haleine relatif aux droits d'auteur devrait être conclu jeudi à Marrakech (Maroc) afin de permettre à des centaines de millions d'aveugles et mal-voyants de disposer d'un meilleur accès aux livres publiés à travers le monde, a-t-on appris mercredi de source proche des négociations.
Plusieurs centaines de négociateurs des 186 pays membres de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) sont réunis depuis une semaine à Marrakech (sud) pour finaliser un traité permettant de dépasser cette question des droits d'auteur, laquelle limite l'accès des déficients visuels à la culture.
Selon l'Union mondiale des aveugles (UMA), sur le million d'ouvrages paraissant chaque année, moins de 5% "sont publiés dans des formats accessibles aux déficients visuels". Ces derniers sont quelque 314 millions, dont 90% dans des pays en développement, d'après l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
"Nous avons un traité! Il a été adopté dans la nuit (de mardi à mercredi, ndlr) par la principale commission de la conférence diplomatique", a indiqué mercredi à l'AFP une source proche des négociations. Le texte "sera présenté lors de la session plénière de jeudi, et la cérémonie de signature aura lieu vendredi", a ajouté cette source. "Nous sommes très heureux, comme toutes les associations d'aveugles et de la société civile. C'est une immense victoire (...) qui va changer la vie de millions de personnes, de manière très concrète", a réagi auprès de l'AFP le directeur de l'ONG KEI (Knowledge Ecology International), présent au Maroc.
Le contenu exact du futur "traité de Marrakech" n'est pas encore connu. Mais, d'après l'OMPI, le projet consistait à obtenir des 186 pays des dérogations aux droits d'auteur pour les formats concernés -dont le braille-, en particulier en matière "d'échange transfrontaliers". Ce traité doit venir couronner plus de dix années de négociations alors que, en dehors de "limitations et exceptions", le droit international exige l'autorisation de l'auteur et/ou le versement de redevances pour toute utilisation d'oeuvre protégée.
La Convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques, qui remonte à 1886, prévoit des "exceptions" au droit d'auteur, tout en laissant aux autorités nationales le soin de les préciser, ce qui a entraîné un "maquis de réglementations" selon l'OMPI. Les promoteurs d'un traité pour les déficients visuels ont pu s'appuyer sur l'adoption en 2006 de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, d'après laquelle "les lois protégeant les droits de propriété intellectuelle ne doivent pas constituer un obstacle déraisonnable ou discriminatoire à l'accès des personnes handicapées aux produits culturels".
A Marrakech, les ONG avaient mis sous pression les délégations, dont certaines affichaient leur crainte de voir s'ouvrir des failles excessives dans le droit d'auteur. Lundi, un sit-in avait été organisé par l'UMA pour exhorter à "prendre en considération l'aspect humanitaire noble de ce traité". "Nous sommes à l'aube d'une période cruciale dans l'histoire", avait pour sa part déclaré le chanteur-compositeur américain Stevie Wonder dans un message diffusé à l'ouverture de la conférence. "Si vous parvenez à adopter ce traité au cours des prochains jours, je vous promets de venir à Marrakech partager les célébrations", avait-il ajouté.
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