Elham Asghari est la première femme iranienne à avoir établi un record de nage de vingt kilomètres dans la mer Caspienne, près de Nowshahr. Le 11 juin dernier, elle a nagé, aller et retour, pendant huit heures. Mais lorsque la jeune femme s'est présentée pour faire reconnaître son exploit, elle a été confrontée à un refus insensé. Les responsables du ministère des sports iranien l'ont informée qu'ils ne pouvaient l'enregistrer parce qu'il n'y avait pas de description officielle des « maillots de bain pour les femmes nageuses en eau libre ». Pourtant Elham portait bien le maillot islamique (immense robe de toile noire et voile sur la tête tel que défini par les autorités), des officiels étant présents pour l'observer durant toute sa performance.
Aussi lourd que l'uniforme d'un astronaute
On lui rétorque alors que « les caractéristiques féminines de son corps étaient visibles quand elle est sortie de l'eau ». Elham nageait pourtant dans une zone privée, réservée aux femmes. Dans une interview, la jeune nageuse déclare : « Dans l'eau, mes vêtements étaient aussi lourds que l'uniforme d'un astronaute, mais je n'avais pas le choix. » Un de ses amis a également fait valoir que son « maillot » était le même que celui qu'elle portait lors d'un premier record validé en 2008. Les fonctionnaires ont campé sur leur position, affirmant que l'enregistrement de sa nage restait malgré tout contraire à la loi islamique. Que fallait-il pour satisfaire ces messieurs ? Qu'elle sorte de l'eau avec des vêtements secs ?
Une prouesse fabuleuse selon Philippe Croizon
Une pétition a donc été lancée sur le Net pour inciter la FINA (Fédération internationale de natation) à pousser son homologue iranienne à reconnaître la prouesse d'Elham. Car il s'agit bien là d'une prouesse, selon Philippe Croizon, nageur amputé des quatre membres qui a traversé la Manche puis relié les cinq continents à la nage. Emu par cette histoire, il a souhaité témoigner pour handicap.fr : « Je défie n'importe quel nageur d'en faire autant, même les champions du monde dont on encourage les performances en ce moment. Ses longs vêtements ont constitué un frein monumental et j'imagine toute l'énergie que cette femme a dû déployer pour atteindre son but. C'est totalement surréaliste, et pourtant elle l'a fait ! »
20 km, en réalité plus du double !
Philippe est bien placé pour savoir que, sur une nage longue distance, il faut être totalement libre de ses mouvements, tout frottement avec un vêtement pouvant provoquer de sévères brulures. « Une telle quantité de tissu vous tire irrémédiablement vers le fond, et il est presque impossible de rester à flot. En terme d'efforts, ce n'est pas 20 km qu'elle a accompli mais plus du double ! Je suis bouleversé par cette histoire et compte bien en parler. » Une indignation nourrie par sa propre histoire puisque, lorsque Philippe a traversé la Manche à la nage, le Guinness des records n'a pas voulu valider son exploit, prétextant que si d'autres nageurs handicapés voulaient rivaliser, il n'y aurait pas matière à comparer dans la mesure où leur handicap ne serait pas totalement identique. Des quadri amputés au milieu des océans, ce n'est évidemment pas très courant.
Deux handicaps cumulés
Pour Philippe, Elham cumulait, elle aussi, les handicaps : celui d'avoir nagé avec une « enclume » en guise de maillot et surtout celui d'être femme dans un pays où les discriminations les privent chaque jour un peu plus de leurs droits. Le sport féminin, en Iran, a toujours été maintenu sous une chape de silence. Alors que les championnats du monde de natation ont débuté le 19 juillet 2013 à Barcelone et que les championnats du monde handisport auront lieu à Montréal du 10 au 18 août, les athlètes iraniennes n'ont, pour l'instant, pas le droit de participer aux compétitions internationales. Au nom de quelle aberration ?