Interview de Michel Seyt, président de la FNTV (Fédération nationale des transports de voyageurs).
Handicap.fr : Quelles sont ces deux actualités qui ont, une fois encore, fait grincer les dents des associations de personnes handicapées ?
Michel Seyt : Il y a tout d'abord l'obligation de rendre accessibles tous les véhicules de neuf places et moins assurant une mission de transport public et ce dans un délai trop court pour être réaliste (lire article complet en lien ci-dessous). Alors, dans ce cas, ce sont plutôt les dents des transporteurs qui ont grincé ! D'autre part, on évoque une possible dérogation qui n'obligerait plus à rendre tous les points d'arrêt de transport scolaire accessibles, en continuant de privilégier le transport spécialisé.
H.fr : Justement, en matière de transport scolaire, où en sommes-nous ?
MS : Ce sont 2.5 millions d'élèves transportés dans environ 40 000 autocars. Sur cette flotte, 25 % sont déjà équipés pour transporter des élèves à mobilité réduite. Mais si, demain, les 75 % restants doivent être accessibles, que va-t-on dire aux chefs d'entreprise ?
H.fr : Oui mais les transporteurs auront eu dix ans pour s'y préparer depuis la promulgation de la loi de 2005 ? N'est-ce pas suffisant ?
MS : Il faut savoir qu'un autocar coûte entre 150 000 et 200 000 euros. C'est un peu comme un avion, il est soumis à des contrôles techniques récurrents et très complets tous les six mois qui lui permettent d'envisager une durée de vie de quinze à vingt ans. L'arrêté concernant l'accessibilité des autocars n'est paru qu'en 2007. Il y a donc seulement six ans. Et les transporteurs n'ont réellement su quel type de véhicules ils devaient acquérir que début 2008. La grande majorité des autocars en service en sont donc à peine à la moitié de leur vie. Par ailleurs, nous n'achetons nos véhicules que lorsque nous avons la certitude que notre contrat de transport sera bien renouvelé. Or certains de ces contrats courraient jusqu'en 2012, sans que nous n'ayons aucune garantie pour la suite. Dans ces conditions, personne ne prend le risque d'investir dans du nouveau matériel.
H.fr : Il y va donc aussi de la responsabilité des collectivités ?
MS : Evidemment. Elles ont vu leurs coûts augmenter pour répondre à l'accessibilité des transports mais certaines n'ont pas très envie de payer la facture, préférant privilégier le transport pour personnes handicapées à la demande. Nous avons même vu passer certains appels d'offres où il était dit (pas officiellement bien sûr) qu'on ne voulait pas de véhicules accessibles. Trop chers ! Les collectivités font marcher la concurrence alors, pour ceux qui ont investi dans du matériel conforme, impossible de s'aligner. Ceux là-même qui ont pris le parti d'anticiper la loi et de s'équiper perdent parfois leurs contrats !
H.fr : Mais la FNTV est-elle réellement impliquée dans ce domaine ?
MS : Cela fait très longtemps que notre fédération tente de mobiliser toutes les parties : les collectivités, les ministères et nos adhérents. Alors, lorsque j'entends dire que le lobbying de la FNTV refuse de se soumettre, et notamment dans le cas du transport scolaire, c'est vraiment la double peine.
H.fr : Admettons que l'échéance du 1er janvier 2015 ne puisse pas être respectée, quelle solution proposez-vous ?
MS : Un compromis. Par exemple que, à partir de maintenant, tous les véhicules neufs soient obligatoirement accessibles mais qu'on laisse le matériel existant arriver en fin de vie. Nous avons déjà rencontré les associations de personnes handicapées pour leur expliquer la situation. Nous avons convié l'APF (Association des paralysés de France) à venir dialoguer avec nous pour trouver des solutions lors du prochain congrès de notre fédération qui a lieu le 16 octobre 2013.
H.fr : Et l'APF a accepté d'être présente à votre congrès ?
MS : Oui, bien sûr ! Il faut vraiment que les associations mais aussi les ministères concernés puissent entendre les contraintes de notre profession. La filière des transports n'accepte plus cette étiquette de « mauvais élève ». En matière d'accessibilité de la cité et des ERP (Etablissements recevant du public), je veux bien qu'on fasse les comptes. Nous ne sommes certainement pas les moins impliqués.
H.fr : 2015 : la date que tout le monde redoute ! Mais il fallait bien fixer une échéance...
MS : Oui, j'en conviens. Tout cela est évidemment nécessaire et on finira bien par y arriver. C'est en tout cas notre volonté. Mais, comme je viens de vous l'expliquer, avec des délais réalistes et qui ne nous mettent pas le couteau sous la gorge.