Par Gabrielle Tétrault-Farber
Le nageur paralympique Alexander Makarov, spécialiste du dos, enchaîne les longueurs dans une piscine. Il continue de se préparer à des Jeux paralympiques dont il est aujourd'hui privé pour cause de dopage d'Etat en Russie. Début août, le Comité international paralympique (IPC) a en effet suspendu le Comité russe, excluant sans distinction l'ensemble des sportifs paralympiques russes (article en lien ci-dessous). Le Comité russe a, depuis, fait appel devant le Tribunal arbitral du sport (TAS) ; la décision doit tomber le 23 août, au surlendemain de la fin des Jeux olympiques et à un peu plus de deux semaines du début des Jeux paralympiques (7-18 septembre).
Une épée de Damoclès
Mais cette épée de Damoclès ne décourage pas les sportifs russes qui s'entraînent dans le centre de sports aquatiques de Rouza, à 100 kilomètres à l'ouest de Moscou. "Peu importe, je continue à m'entraîner et à me préparer pour donner le meilleur de moi-même", affirme à l'AFP Makarov, 19 ans, qui a remporté des médailles d'argent et de bronze lors des derniers Championnats du monde organisés par l'IPC. "J'essaie de ne pas y penser", ajoute le sportif, qui souffre d'arthrogrypose, une maladie neuromusculaire congénitale, et dont ce serait les premiers Jeux paralympiques. Pour son entraîneuse Olessia Alexandrova, "attendre est toujours difficile, et peu importe si c'est attendre une décision ou attendre à un arrêt de bus". Mais "la vie continue et nous travaillons en dépit de cela", poursuit-elle.
Médailles "dénuées de morale"
Le président du Comité russe paralympique Vladimir Loukine se veut confiant : une victoire juridique face à l'IPC est possible selon lui. Le TAS "est connu pour avoir fait preuve d'équilibre (...) dans plusieurs cas", a-t-il déclaré. "Je pense que nul autre comité paralympique ne suit le programme antidopage aussi rigoureusement et activement que nous." L'IPC avait pourtant pris à l'unanimité la décision de suspendre le Comité paralympique russe dans son ensemble. "Leurs médailles dénuées de toute morale me dégoûtent", avait déclaré Philip Craven, président de l'IPC. Accusée d'avoir mis en place un système organisé de dopage, la Russie a envoyé aux JO de Rio une délégation tronquée d'une centaine de sportifs, suspendus par le Comité international olympique. Avec douze médailles d'or le 18 août 2016, l'équipe russe n'était qu'en cinquième position au tableau des médailles, à trois jours de la clôture. Pour ne pas "détruire les espoirs de millions de Russes en situation de handicap", d'importantes organisations de défense des personnes handicapées ont envoyé une lettre ouverte à Philip Craven. Ces ONG ont souligné leur préoccupation face à une décision "fondée sur des informations ambiguës".
S'entraîner malgré tout
Le ministre russe des Sports Vitali Moutko a de son côté dénoncé une suspension "inhumaine" et "dépassant l'entendement". Pendant ce temps-là, le nageur Mikhaïl Zimin fait de son mieux pour ne pas se laisser distraire par ces rebondissements ; malvoyant, il a été médaillé d'or du 100 m brasse lors des derniers Jeux et s'entraîne sans relâche à Rostov-sur-le-Don, dans le sud de la Russie. "Je ne veux me laisser distraire par rien", martèle-t-il à l'AFP. "Je continue simplement à m'entraîner malgré tout." Et si l'épée de Damoclès tombe, son entraîneuse est convaincue qu'elle ne signifiera pas la fin de la carrière du nageur. "Je sais qu'il (continuera) parce que la natation et le sport sont le sens de sa vie", assure Alexandrova. "Il dit : 'Je viens à la piscine parce que je ne peux imaginer ma vie sans elle'"." Aux prochains Jeux paralympiques, à Tokyo en 2020, Makarov n'aura que 23 ans. "Les Jeux n'auront pas lieu qu'une seule fois !"
© Photo d'illustration générale Jeux de Londres : Emmanuelle Dal'Secco