Yannis Vardakastanis: Aurions-nous réussi à les convaincre ?
Accroître la visibilité des personnes handicapées et sensibiliser la société sur les droits d'un collectif qui représente plus de 50 millions de personnes en Europe, était le défi de cette année Européenne des personnes handicapées. ..
2003 a été une année de mobilisation. Néanmoins, le niveau de protection et l'engagement politique de l'Union européenne en faveur des droits des personnes handicapées, sont restés faibles tout au long de cette Année européenne.
Il aura fallu 12 mois de campagnes du mouvement des personnes handicapées et un travail de longue haleine avant d'entendre les mots tant attendus : « une nouvelle directive européenne spécifique au handicap est nécessaire pour combattre toute discrimination envers les personnes handicapées. » Ce n'est que dans son discours final, à la conférence de clôture de cette année européenne, à Rome, que la Commissaire pour l'Emploi et les Affaires Sociales, Anna Diamantopoulou, a reconnu la nécessité de développer un nouvel instrument législatif de lutte contre la discrimination.
Pourtant, le soutien du Parlement européen, du Comité économique et social, de la Confédération des syndicats, de la plateforme des ONG du secteur social et du mouvement européen des personnes handicapées, auront été nécessaires pour contrer tous les arguments d'une Commission européenne réticente et au raisonnement parfois surprenant, envers cette initiative.
Le dernier argument en date affirmait qu'une directive spécifique au handicap serait incompatible et contradictoire avec une approche d'intégration systématique du handicap dans toutes les politiques européennes. Un argument contredit par les modèles américain et britannique, ou par l'approche des Nations-Unies, qui développe une Convention sur les droits des personnes handicapées afin de renforcer les politiques déjà existantes en la matière.
Un deuxième raisonnement de l'organe exécutif européen prônait le développement des règles d'harmonisation, par exemple en matière d'accessibilité, à la place d'une nouvelle législation qui couvrirait ce domaine. Le Forum européen des personnes handicapées a combattu cette approche, fondée sur la bonne volonté des partenaires. En effet, l'accessibilité pour les personnes handicapées ne sera une réalité quotidienne que si des instruments obligatoires sont développés et renforcés par des critères d'harmonisation définissant ce qui est accessible et ce qui ne l'est pas.
Le désaccord entre la Commission européenne et le FEPH s'est principalement développé autour de la directive en matière d'emploi et égalité de traitement sur le lieu de travail. La Commission a utilisé la lente transposition de la directive dans les Etats membres, comme étant l'argument de poids contre l'adoption d'une nouvelle législation. Pourtant, l'intégration des personnes handicapées ne concerne pas un secteur isolé de la société : les citoyens handicapés ont droit également à une éducation de qualité, aux sports, à un logement décent, à une famille, à l'accès aux transports publics. A quoi bon garantir l'égalité d'opportunités sur le marché de l'emploi si celle-ci est minée dans les autres domaines de la vie ?
La logique de la Commission européenne nous a longtemps laissés perplexes. Aurions-nous enfin réussi à les convaincre ? L'engagement formulé par la Commissaire nous laisse y croire, mais un long chemin reste à parcourir...
Des progrès ont été accomplis, par exemple, en matière d'attribution des contrats publics, où la nouvelle directive européenne obligera les autorités à acquérir des biens et services accessibles. D'autres domaines feront l'objet de nos campagnes, telle la législation en matière de fonds structurels européens, où l'accessibilité pour les personnes handicapées doit impérativement constituer un critère d'obtention de tels fonds.
L'Année Européenne des Personnes Handicapées n'est qu'un début. A nous, mouvement uni de continuer à convaincre avec nos arguments indéniables.