« Les personnes en situation de handicap mental, psychique, cognitif ou ayant un trouble du neuro-développement pourront pleinement accéder à la juste compensation dans leur quotidien et notamment à la PCH parentalité ou à l'accès à l'habitat inclusif », se réjouit le secrétariat d'Etat au Handicap dans un communiqué. En effet, le 19 avril 2022, le décret N° 2022-570 (en lien ci-dessous) permet de matérialiser ces avancées. Mais, attention, publié au Journal officiel le 20 avril 2022, il n'entrera en vigueur que le 1er janvier 2023.
Quelles avancées ?
Ce décret élargit les conditions d'accès à la Prestation de compensation du handicap afin de mieux prendre en compte les difficultés spécifiques rencontrées par les personnes en situation de handicap cognitif, mental ou psychique. Il complète également la liste des actes essentiels pris en compte pour l'éligibilité à l'aide humaine et intègre le « soutien à l'autonomie » comme une modalité nouvelle afin de répondre aux besoins d'assistance spécifiques de ce public. Jusqu'à maintenant, il n'en était pas formellement exclu mais les critères d'éligibilité, surtout axés sur les incapacités fonctionnelles, étaient si restrictifs que bien peu pouvaient y prétendre. Ils sont désormais élargis ; l'aide humaine pourra être octroyée si la personne n'est pas autonome pour « gérer son stress face à l'imprévu ou encore ses habiletés sociales (interagir avec autrui, comprendre ses intentions et ses émotions...) », pour « planifier, organiser, entamer, exécuter et gérer le temps des activités (habituelles ou inhabituelles) », pour effectuer des « tâches multiples » de la vie quotidienne, par exemple préparer un repas (préparer les aliments, réaliser la cuisson). Quelques nuances apparaissent, parfois, « Prendre soin de sa santé » fait partie des exclusions dans l'activité « gérer sa sécurité » mais l'équivalent se retrouve dans « réaliser des tâches multiples » qui inclut celles « liées à la prise, l'organisation et l'effectivité des rendez-vous médicaux ». Le décret introduit également la possibilité d'être accompagné dans les transports.
Le temps d'aide humaine pour le soutien à l'autonomie peut atteindre trois heures par jour (une heure peut être ajoutée pour la participation à la vie sociale). Il est attribué sous forme de crédit temps et peut être capitalisé sur une durée de douze mois. « Ce temps consiste à accompagner la personne dans la réalisation de ses activités, sans les réaliser à sa place, notamment s'agissant des activités ménagères », précise le texte. Cette prestation peut être cumulée avec les besoins d'aide humaine pris en charge à un autre titre, par exemple ceux liés à l'activité professionnelle, à des fonctions électives et à la participation à la vie sociale.
Des mois de concertation
Le Collectif handicaps se « félicite de cette avancée, fruit d'un travail important de l'Unafam, Unapei, Autisme France, TDAH France ». Pour rappel, le 15 février 2020, dans le cadre de la Conférence nationale du handicap, le président de la République s'était engagé à une adaptation effective de la PCH aux handicaps psychiques, mentaux, cognitifs et aux troubles du neuro-développement. « Durant plus de douze mois, les associations représentatives nationales précitées ont ensuite travaillé en concertation avec le Docteur Leguay à la rédaction d'un rapport sur le mécanisme actuel de la PCH dont les modalités ne permettent pas de garantir cet accès, notamment sur le volet aide humaine », précise le gouvernement. Il fut remis en juillet 2021. En lien avec l'Assemblée des départements de France (ADF), une expérimentation a été testée en condition réelle dans trois départements : Gironde, Ardennes et Vosges. A l'issue de cette expérimentation et « de façon consensuelle », selon le gouvernement avec les associations nationales, un nouveau référentiel d'accès à la PCH a été proposé.
Formation à venir
Si le gouvernement y voit une « avancée historique attendue depuis 2005 », encore faut-il « rendre ces droits effectifs ». Pour ce faire, il juge « nécessaire » une « mobilisation globale pour accompagner les maisons départementales des personnes handicapées et former les équipes d'évaluation ». La CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie) lance donc un grand plan de formation et rédige un guide de l'évaluation pour « permettre à chacun de s'approprier ces nouveaux droits, en lien avec les personnes et les familles ». Le Collectif handicaps partage cet « enjeu majeur », insistant également sur la formation des « aides à domicile pour rendre effectif ce soutien à l'autonomie dont les personnes ont besoin et notamment pour vivre chez elles ». Il constate néanmoins que l'instruction du 22 mars 2022 relative à la mise en œuvre du diplôme d'Etat d'accompagnant éducatif et social (DEAES) « ne fait pas référence à ces modifications ».
Et en cas de surdicécité ?
Rappelons que ce même décret, dans son article 1, instaure trois forfaits, de 30, 50 et 80 heures de PCH aide humaine par mois pour les personnes sourdaveugles (article complet en lien ci-dessous). Un tableau détermine le nombre d'heures d'aide humaine mensuelles attribuées, de manière forfaitaire, en fonction de la perte auditive sans appareillage, évaluée en décibels, et la vision centrale après correction par rapport à la vision normale. Par exemple, une personne ayant une perte auditive inférieure ou égale à 56 dB et une vision comprise entre 20 et 40° se verra proposer 30 heures d'aide mensuelle. Avec une perte auditive supérieure à 70 dB et un champ visuel inférieur à 10°, elle obtiendra 80 heures. Il est par ailleurs mentionné que « quand le besoin d'aide humaine apprécié au moyen du référentiel le justifie, le montant attribué peut l'être pour un temps d'aide supérieur à 80 heures ». Le CNCPH (Conseil national consultatif des personnes handicapées) se félicite de cette avancée qui ouvre la reconnaissance officielle de ce double handicap. De son côté, le Collectif handicaps se « réjouit de la publication de ce décret qui répond en premier lieu à une forte attente des personnes sourdaveugles qui jusqu'à présent devaient choisir entre le forfait cécité ou le forfait surdité. A présent, elles pourront bénéficier d'un forfait spécifique plus adapté ».