L'affaire « Chez Lolotte », un petit bistro sympa, à l'ancienne, ne cesse de défrayer la chronique depuis plusieurs jours. Le coup d'envoi a été donné par France 3, puis la plupart des médias nationaux se sont engouffrés dans la brèche, avec une vision un peu caricaturale de la situation. Laurence Ballarin, restauratrice dans le village de Bonne-sur-Ménoge (Haute-Savoie) prétend en effet que la mise en accessibilité de son établissement, et notamment le transfert des toilettes, actuellement au premier étage, vers le rez-de-chaussée, entraînerait sa fermeture et le licenciement de trois employés en raison du coût exorbitant des travaux, 200 000 euros ! Pas de mauvaise volonté puisqu'elle affirme recevoir des clients handicapés mais tout de même une bien mauvaise presse à leur égard qui n'a pas manqué d'exaspérer la délégation APF (Association des paralysés de France) du département.
La pression du lobbying hôtelier ?
« Ce type de discours est malheureusement récurrent chez un certain nombre de professionnels du tourisme, particulièrement en Haute-Savoie, explique Cédrik Carotte, directeur de cette délégation. Selon certains, l'accessibilité est la cause de tous les maux et va entraîner la fermeture de nombreux établissements recevant du public. » C'est en effet ce propos sans nuance qui a été relayé par la plupart des médias. Pourquoi laisser entendre que la seule issue pour « Chez Lolotte » est de mettre la clé sous la porte ? Rappelons que la loi handicap du 11 février 2005 a prévu trois dérogations pour motifs réglementaires : impossibilité technique, conservation du patrimoine architectural et disproportion manifeste entre les améliorations à apporter et leurs conséquences. S'est ajouté à ces dérogations le dispositif des Agendas d'accessibilité programmés (Ad'Ap), qui permet soit un échelonnement des travaux sur plusieurs années lorsque c'est possible, soit une dérogation en cas d'impossibilité de les effectuer.
C'est à la loi de décider
« Chez Lolotte » semble manifestement répondre à cette situation. « C'est pénible cette médiatisation massive, poussée par le lobbying hôtelier, poursuit Cédrik. ». Même si l'AFP est réputée pour ses positions souvent très tranchées, Cédrik consent que parfois « si n'est pas possible, alors ce n'est pas possible. Mais ce n'est pas au gérant d'un établissement de décider. Il doit d'abord faire une estimation des travaux et, si cela s'avère trop compliqué ou trop cher, constituer un dossier de dérogation. C'est ensuite à la loi de trancher. » Alors pourquoi une telle polémique ? Rendre les personnes handicapées responsables de la faillite du commerce français ? Un brin de discernement s'impose !
Des établissements engagés
En 2013, l'APF lançait déjà une campagne sur ce thème (article en lien ci-dessous). Son slogan : « N'écoutez pas les lobbies ». Elle faisait la promotion de ces commerçants, hôteliers, transporteurs, médecins, architectes qui ont rendu leur établissement accessible, parfois même sans y être contraints par la loi. C'est par exemple le cas de Frédéric et Fabienne Mallier, viticulteurs dans le Bordelais, qui décident, en juin 2010, de construire trois chambres d'hôtes dans leur domaine du Château de la Vieille chapelle ; ils prévoient, dès le début, d'en concevoir une accessible. « Nous ne sommes pas un hôtel, nous n'avions aucune obligation d'avoir une chambre adaptée mais moi j'y tenais ! explique Fabienne. »
Des actions simples à mettre en place
Une option donnant-donnant puisque, selon un rapport de la Banque mondiale, le secteur touristique se priverait de 15 à 20% de parts de marché en raison de l'inaccessibilité de ses infrastructures. L'APF rappelle également qu'elle est en mesure de soutenir les professionnels du tourisme en les informant et de rechercher ensemble des solutions permettant de faciliter l'accessibilité à tout pour tous. Cédrik de conclure : « Il n'y a pas que le handicap moteur et certaines actions pas très compliquées à mettre en place peuvent vraiment faciliter la vie des clients, par exemple, en cas de handicap visuel ou mental, sans que l'établissement ne risque pour autant la faillite. »