Handicap.fr : Quelle est la vocation de la « Cellule Aide handicap école » mise en place en 2007 par le ministère de l'Education nationale ?
Philippe Van den Herreweghe : C'est une cellule d'écoute, d'aide et de conseil destinée aux familles d'élèves handicapés confrontées à un problème de scolarité. Il y a un chemin énorme à parcourir pour comprendre l'autre et lui permettre de trouver un remède à ses difficultés. Elles sont nombreuses à nous dire : « Je suis contente qu'on m'écoute enfin. ». Ou tout au moins qu'on les comprenne car face à d'autres interlocuteurs comme l'école, les MDPH, les académies ou les institutions, ce n'est pas toujours le cas ; certains ne savent prendre la mesure de leurs souffrances. Or ces situations difficiles fragilisent l'ensemble de la famille.
H.fr : Vous ne faites donc qu'écouter ? Votre cellule n'a-t-elle pas le pouvoir de résoudre leurs problèmes ?
VDH : Si, évidemment. Nous mettons tout en oeuvre pour accélérer le processus. Nous défendons en priorité les droits de l'élève et demandons des explications aux académies sur les situations anormales. Mais, il faut être franc, nous n'avons pas le pouvoir d'exiger la résolution du problème si, de leur côté, la difficulté est trop complexe car il nous manque peut-être des éléments du dossier.
H.fr : Comment s'est passée cette rentrée 2016 pour les élèves en situation de handicap ?
VDH : Même s'il ne faut pas nier que des problèmes persistent, notre cellule a constaté, par rapport à l'année précédente, une baisse importante des demandes, que ce soit par mail, courrier ou téléphone : 466 en septembre contre 632 en 2015, soit moins 26%. Nous avons reçu 2 850 appels sur l'ensemble de l'année ; sur 279 000 élèves handicapés scolarisés en milieu ordinaire, cela représente un peu plus de 1%.
H.fr : Pourtant certains prétendent que 10 000 élèves handicapés sont en attente de scolarisation !
VDH : C'est un chiffre scandaleux qui n'a aucun fondement, communiqué à tort dans la presse. Il y a en effet des élèves qui sont en situation de déscolarisation mais temporaire, due à un retard administratif (AVS non présente par exemple ou attente de place dans un établissement médico-social) mais on ne peut pas dire que ces enfants sont exclus du système scolaire…
H.fr : Pourquoi faites-vous un parallèle avec le médico-social ?
VDH : Parce que les situations les plus critiques, qui s'éternisent, sont souvent liées au fait que les familles sont en attente de place dans ces établissements. Elles ont une notification MDPH mais, après avoir écumé tous les IME du département, on leur répond : « Quatre ou cinq ans d'attente ! ». Or, à moins de 16 ans, la scolarité est obligatoire… La famille va donc inscrire son enfant dans l'école du secteur, qui ne peut refuser.
H.fr : Mais si elle n'a pas de notification en ce sens ?
VDH : Cela oblige en effet la famille à présenter le dossier devant la MDPH pour obtenir une orientation en école ordinaire, souvent en ULIS (Unité localisée pour l'inclusion scolaire). Mais c'est assez rapide, en moins d'un mois. Je fais ce boulot depuis 8 ans et je n'ai pas souvenir d'avoir été confronté à une déscolarisation totale…
H.fr : Et partielle ?
VDH : Là, c'est une autre histoire. Certaines notifications n'arrivent qu'au moment de la rentrée et il faut compter jusqu'à un mois et demi pour recruter le personnel. En attendant, ce sont les familles qui galèrent. Et il est vrai que, dans d'autres cas, je trouve stupéfiant qu'on puisse accorder une notification pour une heure d'école par jour.
H.fr : Vous ne pouvez pas nier qu'il y a des situations réellement critiques ?
VDH : Evidemment. Prenons un exemple, celui d'une maman célibataire qui doit lâcher son boulot au motif que l'accompagnant de son enfant est absent. C'est inadmissible ! Même si la plupart des équipes mettent tout en œuvre pour maintenir l'accueil, certaines notifications précisent « la scolarité n'est possible qu'avec la présence d'une AESH (ex AVS) ». Et là, pour la maman, c'est l'impasse ! Il serait temps de mettre en place des équipes de remplaçants comme c'est le cas pour les enseignants en cas d'absence.
H.fr : Sur quoi portent principalement les demandes à chaque rentrée ?
VDH : En majorité sur les difficultés de recrutement des AESH. Mais il y a aussi tous ceux qui ne se présentent pas le Jour J. Ou encore les interruptions de contrat en CUI (contrat unique d'insertion) en cours d'année car ils sont limités à deux fois un an maxi. Donc certains s'achèvent par exemple en avril et aucun remplaçant n'est recruté pour finir l'année. C'est aberrant, et le Gouvernement doit absolument repenser ce dispositif pour éviter des ruptures préjudiciables, en permettant la prolongation du CUI jusqu'à la fin de l'année scolaire.
H.fr : Les appels concernent en priorité quels types de handicap ?
VDH : A 31% l'autisme, suivi à 23% des troubles des apprentissages, ceux qu'on appelle les « dys ». Ce sont ces élèves qui sont confrontés aux plus grandes difficultés aussi bien en termes d'accompagnement que de matériel pédagogique. Viennent ensuite le handicap moteur (12%) puis les troubles du comportement (9%).
H.fr : Les familles sont-elles les seules à demander un accompagnement humain ?
VDH : Non, la demande d'AVS peut être suggérée par l'enseignant lorsque, parfois confronté au déni des parents, il se trouve face à un élève en réelle difficulté. Ne pas être en mesure d'y répondre, c'est décourager l'enseignant d'accueillir un élève en situation de handicap, d'autant qu'il n'a jamais été pas formé pour cela. La demande d'accompagnement est en pleine expansion, c'est impressionnant, et très probablement excessif !
H.fr : Beaucoup reprochent au système français de ne pas être assez inclusif, comparé à d'autres pays, et de vouloir maintenir les enfants handicapés entre les murs des institutions…
VDH : J'ai deux réponses à apporter. La première, c'est oui, notre système doit mieux faire et peut-être proposer, comme en Italie, des classes ordinaires à petits effectifs dès lors qu'elles accueillent un élève à besoins spécifiques. Mais, en même temps, la scolarisation à tout prix n'est peut-être pas la meilleure solution pour tous les enfants ; il y a une sorte de diabolisation du médico-social qui, pourtant, propose des prises en charge adaptées et innovantes, y compris dans le domaine des apprentissages, que ce secteur peine pourtant à mettre en avant. De nombreuses familles ont l'impression que c'est une « punition » ! Or, parfois, après la rentrée, certains parents se rendent compte que l'orientation vers l'école ordinaire, en l'état, était une erreur car leur enfant est en souffrance. D'autres restent dans le déni et veulent maintenir à tout prix… Cela amène évidemment à se demander si le modèle français est le bon. Trente élèves par classe et des AVS en plus, pour les enseignants, c'est vraiment lourd à gérer !
H.fr : Quelles seraient, selon vous, les priorités pour rendre l'école française plus inclusive ?
VDH : Professionnaliser les accompagnants par une formation initiale et enfin mieux former « tous » les enseignants. Et puis travailler sur le qualitatif. Lorsqu'on regarde les stats, on ne peut pas nier que les choses avancent (176 300 élèves handicapés en 2009 et 279 000 en 2016) mais je m'interroge sur ce qui est réellement proposé à ces élèves qui, à 70%, ont des troubles cognitifs. Quant aux 30% restants, avec un handicap visuel, auditif ou moteur, comment expliquer qu'on ne les retrouve pas en terminale ou à l'université ? Pourquoi sont-ils ralentis dans leurs études ou orientés massivement vers des CAP ou Bac pro ?
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