Le conseil général de Seine-Saint-Denis a récemment mis au jour une vaste fraude aux prestations sociales impliquant des agents du département, ce qui a entraîné l'ouverture d'une enquête judiciaire, a-t-on appris le 27 juin 2014 de sources concordantes. Au moins 2,35 millions d'euros d'allocations pour les personnes handicapées et les personnes dépendantes auraient été versés à environ 70 personnes qui n'y avaient pas droit, a détaillé à l'AFP Stéphane Troussel, le président du Conseil général. Ce chiffre correspond à un peu plus de 0,3% des versements effectués au titre de ces allocations. La fraude, qui a duré plus de 10 ans, a été découverte à l'occasion d'un audit interne des services du Conseil général, réalisé entre novembre 2013 et mars 2014.
Quatre agents suspectés
Après une enquête administrative qui a conduit à passer au crible plusieurs milliers de dossiers, le département a "décidé la suspension des versements sur les dossiers supposés frauduleux" et la suspension "à titre conservatoire" de quatre de ses agents. "Ce n'est pas une mesure disciplinaire (mais) une mesure administrative dans l'attente des conclusions de l'enquête policière", a précisé M. Troussel, qui a porté plainte contre X le 15 mai auprès du parquet de Bobigny. Contacté par l'AFP, le parquet a précisé avoir ouvert une enquête préliminaire pour "escroquerie", "abus de confiance" et "accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données". Deux prestations sociales dont la gestion est déléguée par l'Etat aux départements sont concernées: l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), destinée aux personnes âgées et dépendantes, et la prestation compensatoire du
handicap (PCH), normalement réservée aux personnes handicapées.
Une personne âgée… de 26 ans !
Les agents suspendus, qui avaient accès aux dossiers informatiques des allocataires, ont attribué des prestations "à des personnes qui a priori ne devaient pas en recevoir", a précisé le conseil général. Un jeune de 28 ans a ainsi pu toucher chaque mois sur son compte l'allocation réservée aux personnes âgées. La fraude à l'APA aurait duré de 2002 à 2014, selon le Conseil général. Trente-deux dossiers frauduleux ont été repérés pour un préjudice estimé à 350.000 euros. Sur la période, la Seine-Saint-Denis a traité 50.000 dossiers et versé 571 millions d'euros au titre de cette allocation.
Et 2 millions d'euros pour la PCH !
La fraude à la PCH a commencé plus tard, en 2006, mais le préjudice est bien plus important : 2 millions d'euros de prestations indues versées à 39 bénéficiaires. Un chiffre à rapporter aux 156 millions d'euros versés au titre de la PCH sur cette période. Cette fraude "concerne des prestations de solidarité pour lesquelles le Conseil général de Seine-Saint-Denis se bat tous les jours", déplore, amer, Stéphane Troussel, à la tête de l'un des départements qui cumule le plus de difficultés sociales en France. Le Conseil général affirme avoir depuis "renforcé toutes les procédures de contrôle".
Les agents mis en cause ont-ils touché de l'argent en échange de l'attribution de ces allocations ? En ont-ils fait bénéficier leurs proches ? L'enquête qui vient de débuter au service de police judiciaire de Seine-Saint-Denis devra le déterminer.