L'association NVDM, « Les non-voyants et leurs drôles de machines », créée il y a dix ans par Luc Costermans, permet aux non et malvoyants de vivre des sensations fortes avec différents engins motorisés tels que quads, bateaux ou voitures de course. Comptant une cinquantaine de membres issus de France et de Belgique, NVDM organise une dizaine de stages automobile par an. Des sessions de sensibilisation à la conduite sur parking pour les débutants, en passant par les séances de pilotage sur circuit pour les plus aguerris, NVDM challenge ses adhérents jusque sur le prestigieux circuit de Spa-Francorchamps, en Belgique. Ces journées offrent l'opportunité pour ces anciens professionnels du sport automobile ou conducteurs lambda de reprendre le volant et, pour certains, de découvrir la conduite. Luc, non voyant, s'est lui-même illustré en octobre 2015 sur le « shakedown » du Tour de Corse, une séance de mise au point précédant les premières épreuves chronométrées de ce prestigieux rallye auto (article en lien ci-dessous). Un exploit aux yeux des voyants !
Conduire avec des ordres vocaux
« Ajustez vos rétroviseurs, n'oubliez pas de vérifier votre angle mort, donnez un coup d'œil à chaque intersection. » La conduite passe avant tout par la vue. Alors comment faire lorsqu'elle n'est plus ? Avec de nouveaux codes : « 5 droite, 10 gauche, axe, quart droite puis demi gauche. Attention, nous arrivons à un feu tricolore. 5, 4, 3, 2, 1, stop ». Ce matin, deux voitures enchaînent les boucles sur le circuit du Val d'Or de Versailles, une piste d'ordinaire réservée aux essais d'engins militaires. Assis aux côtés des non et malvoyants, deux instructeurs de l'auto-école Malchus (Oise) guident, avec calme et concentration, les pilotes du jour. Ils sont leurs yeux, la confiance mutuelle s'installe. Et ça fonctionne !
Des moniteurs à bonne école
Hale, la monitrice, guide Isabelle, malvoyante de naissance, pour son second tour de piste : « Nous arrivons sur la ligne droite, tu peux accélérer, vas-y, n'aie pas peur d'appuyer sur la pédale ! 60, 80, le compteur grimpe, 120 km/h. Bravo ! ». « Quart gauche Isabelle, encore plus à gauche (oui, encore plus à gauche car 20 cm à droite, c'est le rail de sécurité qui s'approche rapidement de la voiture !). Axe, très bien. » Confiance, concentration, l'alchimie fonctionne. Les deux moniteurs de l'auto-école Malchus n'ont pas reçu de formation particulière. Ils ont appris le code national de conduite pour non-voyants et se sont entraînés. A tour de rôle, ils ont bandé leurs yeux et se sont guidés mutuellement pour comprendre, ressentir ce que la perte des repères visuels signifie. Invité pour l'occasion, Jean-Pierre Raymond, chef du service logistique et sécurité de Renault Sport F1, a, lui aussi, tenté la conduite les yeux bandés. L'expérience est déroutante et bouleverse toutes les sensations. Quelques minutes après le départ, il marque une pause pour se concentrer avant de redémarrer et de se laisser guider par les consignes de la monitrice. Un moment unique pour cet homme habitué aux sensations fortes, qui finit par avoir le sentiment de « décoller ».
Prochain RV le 20 juin avec Jean Alési
Retrouver le plaisir de la conduite, la vitesse, sentir la puissance du moteur gronder sous la pédale de l'accélérateur, redécouvrir des gestes banaux avant la perte de la vue sont autant de raisons qui poussent ces hommes et femmes à rejoindre l'association. Ces journées sont l'occasion de vivre une expérience sensorielle, mais l'aventure est surtout humaine car c'est bien la confiance qui pilote les Hommes et la machine. Prochain essai le 20 juin 2016, en présence de l'ex-pilote de Formule 1, Jean Alési.
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