D'ordinaire, ça se passe comme ça : des bénévoles se portent au secours des personnes vulnérables ou handicapées, pour les accompagner en vacances, faire leur course, briser leur solitude. Mais, après tout, pourquoi pas l'inverse ? Ces dernières ne sont-elles pas en mesure d'apporter aux autres ? Certains en sont convaincus. C'est le cas de France Bénévolat. Le 20 octobre 2016, son colloque avait pour thème « La place des personnes en situation de handicap dans le bénévolat ». Inédit ? « Le droit au bénévolat pour tous » est l'une des valeurs inscrites dans la charte de l'association, nourrie par le programme Handi CAP Engagement® ; à ce titre, elle a recensé 71 bonnes pratiques et distingué plusieurs lauréats.
Quelques exemples…
Des résidents d'un établissement médico-social se portent au secours de chevaux rescapés de l'abattoir avec l'association A cœur et à crins. Des personnes handicapées de longue date apportent leur soutien à des pairs récemment frappés par le handicap avec l'APF Drôme. Des bénévoles en situation de handicap sensibilisent des élèves d'une classe de 3e affectés par des troubles de l'apprentissage à l'initiative de l'association Pourquoi pas moi. Ceux de Créative handicap proposent des cours et des ateliers de pratiques artistiques au sein d'un espace totalement accessible, garantissant une mixité sociale avec les personnes « valides ». Une vaste étude menée en 2016 par France-Bénévolat (40 pages, en lien ci-dessous) met en lumière l'intérêt de l'engagement bénévole des personnes handicapées, mais également la nécessité d'un environnement et d'un accompagnement favorables à leur accueil car il n'est pas question de les mettre en difficulté. Cette étude peut permettre d'insuffler une belle dynamique, à condition qu'elle soit diffusée.
Quels bénéfices ?
Créer du lien social en dehors des institutions spécialisées, se sentir utile autour d'un projet commun, dans un contexte de mixité, développer sa motricité, se responsabiliser mais également accéder à plus de confiance en soi... « Le bénévolat permet de retrouver une image positive de soi-même quand on se sent moins bien, affirme Ségolène Neuville, secrétaire d'État en charge du handicap, en ouverture de ce colloque. Favoriser l'engagement bénévole des personnes handicapées, c'est favoriser leur engagement citoyen. Je crois que le fait que les associations et le bénévolat s'ouvrent à elles permet de changer les mentalités, les stéréotypes. » Selon l'enquête de France bénévolat, il pourrait permettre de diminuer le taux de fréquentation dans les institutions spécialisées et le nombre de journées d'hospitalisation en raison d'un sentiment de « mieux-être », principalement en cas du handicap psychique.
Un tremplin vers l'emploi ?
Cet encouragement à essaimer les bonnes pratiques au sein du secteur associatif peut donc avoir, à terme, un impact plus global, notamment dans le monde du travail. Vantant la « créativité des projets », la ministre suggère en effet de « diffuser les résultats de l'enquête dans le monde de l'entreprise afin de le sensibiliser davantage à l'accueil des personnes en situation de handicap. » A ce titre, le bénévolat peut légitimement être considéré comme un tremplin vers l'emploi, permettant aux personnes de stabiliser leur situation, de se (re)construire, de s'insérer socialement et d'échapper à l'isolement. L'occasion de sortir des registres « classiques » d'intervention des associations et de passer du « compassionnel » (faire à la place) et de l'« institutionnel » (où seuls les professionnels du handicap peuvent faire) à « l'autodétermination » (faire soi-même et pour soi-même). Le « bénéficiaire » (celui qui reçoit) devient à son tour « acteur » (celui qui donne). Plus qu'un symbole !
Bénéfice pour les asso aussi
Enfin, le levier parait tout aussi encourageant pour les associations impliquées, qu'elles soient spécialisées ou non dans le champ du handicap ; elles peuvent alors s'appuyer sur l'expertise des personnes concernées et leur capacité à agir en proposant des solutions adaptées. Ne serait-ce pas aussi l'occasion de leur donner toute leur place au sein des instances de gouvernance des établissements médico-sociaux ? La ministre rappelle par ailleurs que le bénévolat est par définition est un engagement volontaire. En 2016, certains départements ont voulu l'imposer aux bénéficiaires du RSA (Revenu de solidarité active). La justice a tranché de manière formelle. « Je me suis exprimée contre cette mesure et nous devons rester vigilants, explique la ministre. Il faut promouvoir le bénévolat, bien sûr, mais sans le rendre obligatoire. »
Et le service civique ?
Apporter son aide citoyenne, c'est aussi le credo du Service civique. En 2012, Martin Hirsch, alors président de l'Agence dédiée, avait lancé un vibrant appel à tous les jeunes en situation de handicap : « J'ai besoin de vous. Vous allez répondre à mon appel ? Sinon, je m'en vais. » Sans que la tentative ne soit réellement suivie d'effet. Invitation renouvelée en 2015 sous la présidence de Patrick Kanner qui décide, pour rendre ce dispositif plus adapté, d'étendre l'accès au service civique aux personnes en situation de handicap jusqu'à 30 ans au lieu de 25 pour les autres (article en lien ci-dessous). Contre (maigre !) rétribution mais toujours dans le même esprit : mettre ses compétences et son temps au service de l'autre, qui que l'on soit !