Brésil : d'interprète en langue des signes à député?

Fabiano Guimarães, l'interprète en langue des signes du président brésilien Jair Bolsonaro, bientôt député ? Celui qui a "amené la communauté malentendante dans le débat politique" se présente aux élections législatives le 2 octobre 2022.

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Par Marcelo Silva De Sousa

Presque personne ne connaît son nom, et encore moins sa voix, mais Fabiano Guimarães, l'interprète en langue des signes de Jair Bolsonaro, est un visage familier pour des millions de Brésiliens, une popularité qu'il veut désormais exploiter pour devenir député en octobre 2022.

Une popularité croissante

Pendant près de trois ans, cet homme de 42 ans, est apparu à maintes reprises devant le grand public lors de cérémonies et de voyages officiels aux côtés du président d'extrême droite, traduisant ses discours pour les personnes sourdes ou malentendantes. C'était un "service rendu à la démocratie : j'ai amené la communauté malentendante dans le débat politique", a expliqué l'interprète à l'AFP depuis sa maison à Aguas Claras, une ville située à une demi-heure du palais présidentiel de Planalto à Brasilia.

Le 1er janvier 2019, Jair Bolsonaro avait rompu avec le protocole lors de sa cérémonie d'investiture et cédé la vedette à la Première dame Michelle, qui avait délivré un message en langue des signes, qu'elle maîtrise et promeut. Depuis, M. Bolsonaro a toujours un interprète à ses côtés, y compris lors de ses retransmissions sur les réseaux sociaux. Fabiano Guimarães, à ses côtés depuis mi-2019, a vu sa popularité croître au fur et à mesure de ses gesticulations pour traduire les discours du président, qui use d'un langage populaire et profère parfois des grossièretés.

Un "défi technique"

Mais être l'interprète de Jair Bolsonaro a surtout été un "défi technique", explique-t-il. Son "langage est informel mais plein de contenu (...), il amène les gens les plus simples aux discussions politiques", dit ce bolsonariste convaincu. Dans son salon, trônent une tasse à l'effigie du président pro-armes et une médaille militaire à côté d'un panneau en bois sur lequel est écrit "Jésus". Sa bonne entente avec le président est palpable, même en public. Lors d'une émission diffusée sur Internet en mai, Jair Bolsonaro avait fait une pause de quelques secondes, recherchant le nom de son ministre de l'Agriculture. Assis à côté de lui, une main couvrant sa bouche pour plus de discrétion, l'interprète s'était mué en souffleur. "Tu parles aussi?", avait réagi Jair Bolsonaro en riant.

Communauté sourde plus visible

"Etre à côté du président m'a donné un but (...). Je suis une personne ordinaire, je suis là où je suis parce que Dieu a fait l'improbable", dit l'homme au crâne dégarni, moqué sous le sobriquet de "mudinho" (petit muet) de Bolsonaro. Professeur d'espagnol et de portugais, ce fils d'une famille modeste a commencé à apprendre la langue des signes à l'âge de 18 ans au sein de l'église évangélique qu'il fréquentait à Belford Roxo, une banlieue du nord de Rio de Janeiro. En 2019, il s'est présenté à un concours d'interprète pour le ministère de l'Education mais a été affecté à la Présidence, où il s'est rapproché de la Première dame, fervente évangélique. "Le fait que l'interprète soit à côté du président lors des événements, avec deux langues au même niveau d'importance, a rendu la communauté sourde du Brésil plus visible", estime Fabiano Guimarães.

10 millions de malentendants

Le nombre de malentendants au Brésil est estimé à 10 millions, sur une population de 214 millions d'habitants. Environ 90 000 vivent dans le District fédéral où le traducteur se présente à la députation en défendant un programme en faveur de la famille "traditionnelle". Le président défend "les piliers que sont Dieu, la patrie, la famille et la liberté. Et ceux de la Première dame, la sensibilité et l'inclusion, je les partage. Je veux réunir les deux programmes", assure-t-il. A deux semaines du scrutin, il se préoccupe peu du fait que la plupart des électeurs ne connaissent pas son nom. Le 2 octobre, il fera partie des dizaines de candidats identifiés sous le nom de "Bolsonaro", une pratique autorisée par le tribunal électoral pour que les candidats puissent utiliser les noms par lesquels ils sont le plus connus. Et juste en dessous, on pourra lire : "Fabiano, l'interprète de Bolsonaro".

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