Par Sébastien Vuagnat
"C'est très thérapeutique, on en a besoin. Vous savez, je suis constamment enfermé dans ma propre tête, c'est super de venir ici et de se concentrer sur une seule chose: se faire plaisir", explique à l'AFP Jordan Sisco sur la plage de Huntington Beach, haut lieu du surf.
Une semaine pour les vétérans
Le sergent Sisco s'est engagé dans l'armée en 2008 et a marché sur une mine en Afghanistan en 2014. Amputé des deux jambes au niveau des genoux, le jeune homme arbore un large sourire après avoir surfé sur plusieurs dizaines de mètres sans aucune assistance. Comme lui, environ 25 vétérans américains, mutilés de guerre et/ou souffrant de stress post-traumatique, avaient répondu mardi à l'appel de l'association Amazing Surf Adventures, dont les bénévoles organisent durant une semaine ce stage entièrement gratuit.
Pas de géant vers la guérison
L'"Opération surf" est pour certains leur première sortie depuis leur hospitalisation, et représente un pas de géant vers la guérison. "Beaucoup de militaires sont formés pour ne jamais se rendre. Et la toute première chose qu'on leur apprend ici, c'est: 'vous devez vous laisser emporter par les éléments, faites confiance à votre professeur de surf, on est là pour vous+', explique Danny Nichols, ancien surfeur professionnel et instructeur de l'association.
"Echapper à ma vie"
La première journée commence au sec, avec des séances d'étirement, l'initiation aux règles de sécurité et des exercices pour apprendre à se redresser pour prendre la vague et à diriger le surf. Puis c'est tout le monde à l'eau, quitte à transporter les amputés sur son dos ou un fauteuil roulant à grosses roues. Unijambistes, culs de-jatte ou valides, tout le monde a droit à un instructeur personnel et un autre bénévole entièrement consacré à sa sécurité. Des jetskis des sauveteurs locaux sont également présents pour tracter les stagiaires au-delà des gros rouleaux, mais tous ou presque surfent les vagues seuls.
"Ce qui est super, c'est qu'on peut faire du surf debout, assis, couché. Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise façon de faire du surf. Tu prends la vague, et celui qui gagne, c'est celui qui s'amuse le plus", lance Danny Nichols. Eric Ellis, imposant gaillard à la barbe rousse qui a perdu une jambe à la suite d'une blessure, a bien besoin d'oublier ses béquilles. "Je suis ici pour échapper à ma vie, c'est vraiment ça. Se vider la tête, avoir l'esprit tranquille. C'est à ça que ça sert", dit-il, en sautillant vers l'océan d'un air joyeux. Comme lui, environ 500 militaires cabossés, vétérans ou encore en service, ont pu retrouver un peu de paix grâce à ces stages de surf depuis leur lancement en 2009.
Bienfaits de la "thérapie par le surf"
La Marine américaine a elle aussi mis en oeuvre des programmes incluant la "thérapie par le surf" pour certains soldats blessés ou souffrant de stress post-traumatique et de dépression, qui pratiquent ce sport trois ou quatre heures par jour durant six semaines. Et elle a même lancé une étude d'un million de dollars pour en évaluer
précisément les bienfaits. Selon le Dr Kristen Walter, psychologue au Centre de recherche sur la santé de la Marine à San Diego, dans le sud de la Californie, une précédente étude indique que "la thérapie par le surf a des bénéfices immédiats sur la santé mentale" et qu'elle pourrait intervenir "en complément des traitements
classiques".