Comment un musée millénaire se rend 100 % accessible

Le musée de Cluny, à Paris, se lance un pari fou : passer de 0 % d'accessibilité à 100 %, pour tous les handicaps. Amorcé en 2015, le projet de rénovation "Cluny 4" doit s'achever au printemps 2021. Une prouesse technologique au service du handicap.

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Il existerait près de 1 800 musées en France, qui sont tenus, au même titre que tout établissement recevant du public (ERP), d'être accessibles à tous les types de handicap… Pourtant, près de 15 ans après la loi de 2005, l'objectif est loin d'être atteint, certains invoquant l'impossibilité technique ou les contraintes liées à la conservation du patrimoine pour se soustraire aux travaux de mise aux normes.

Compenser 28 niveaux

Une solution que le musée de Cluny,  au cœur de Paris, « n'a jamais souhaité envisager », assure son conservateur Michel Huynh. Le projet « Cluny 4 » est lancé en 2015 avec un objectif majeur : l'accessibilité pour tous, tant sur le plan physique qu'intellectuel. Un projet ambitieux pour un bâtiment qui possède même des thermes gallo-romains et n'avait jamais été rénové depuis les années 50. En termes d'accessibilité physique, le défi est de taille, il faut compenser 28 ruptures de niveaux, dont un escalier de 14 marches. « On part de très loin ! », concède Alain Schmid, ingénieur-chercheur au sein de la branche recherche et développement d'EDF, dont la fondation est partenaire de cette restauration. « L'accessibilité du musée était de 0 %, poursuit Michel Huynh. Ce site rassemble le plus extraordinaire faisceau de contraintes architecturales et règlementaires : des bâtiments antiques et médiévaux, les règlementations historiques et archéologiques et celles de l'accessibilité, etc. » L'équipe vise un « musée 100 % accessible » en 2021 -une inauguration partielle est prévue en février, avant la réouverture totale en mai-.

Le simulateur « virtual fauteuil »

Pour ce faire, EDF a notamment optimisé son simulateur en réalité virtuelle qui reproduit les déplacements d'un visiteur en fauteuil roulant en tenant compte des normes d'accessibilité en vigueur. Ce « virtual fauteuil », relié à un écran, permet de faire apparaître tous les écueils (pentes, passage des portes, dévers) en 3D et de définir les emplacements les plus adéquats pour les ascenseurs -le nouveau bâtiment d'accueil en comprendra désormais deux-. « Nous pouvons faire circuler différents types de mobiles (fauteuil roulant classique, électrique ou scooter) dans les salles du musée, numérisées au préalable sur l'application, et tester les circulations envisagées, en travaillant à la fois sur les normes et sur l'usage », explique Alain Schmid. Cette technologie a ainsi permis de mettre en évidence que, dans certaines salles, il était préférable de rehausser le plancher plutôt que d'installer un plan incliné. Différentes versions sont possibles et notamment avec un casque de réalité virtuelle pour être « complètement immergé ». Plusieurs centres de rééducation envisageraient d'utiliser ce « virtual fauteuil » pour apprendre à leurs patients à utiliser un fauteuil-roulant.

Tous types de handicap

 « Nous sommes à deux-tiers du chemin, indique Elisabeth Taburet-Delahaye, directrice du musée. Il nous reste à rendre réel le cheminement du parcours muséographique, grâce au virtuel ». Selon elle, le budget total des travaux avoisine 25 millions d'euros, sur 10 ans, assumé presque entièrement par l'Etat et quelques mécènes, notamment scientifiques. « L'intérêt de travailler sur ce projet est de réinterroger nos technologies et de les faire progresser », explique Laurence Lamy, déléguée générale de la Fondation EDF. Si l'accent est principalement mis sur l'accessibilité physique du bâtiment, la directrice du musée assure envisager des solutions pour accueillir « tous les types de handicap ». L'équipe travaillerait sur un « outil embarqué », type visioguide ou tablette, adapté notamment aux personnes déficientes visuelles et auditives. Ce compromis entre patrimoine et accessibilité devrait servir de modèle à d'autres établissements…

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"
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