A moins de trois semaines du premier tour des élections présidentielles, vous avez décidé de voter pour l'accessibilité !
Oui, celle des bureaux de vote. Si voter est un droit pour tous les citoyens, certains en sont encore empêchés, et notamment lorsqu'ils sont en situation de handicap. Pour de multiples raisons qui concernent tous types de handicap. Aussi bien le handicap physique avec des problèmes d'accessibilité des bureaux que sensoriel avec l'impossibilité, par exemple pour les personnes aveugles, de voter en toute autonomie. Ou encore intellectuel car certains ont bien du mal à comprendre le processus électoral.
Des consignes sont pourtant données aux présidents des bureaux de vote.
Oui, il est principalement rappelé dans l'article D-61-1 du Code électoral, que « les bureaux et les techniques de vote doivent être accessibles aux personnes handicapées, quel que soit le type de handicap. Le président prend toute mesure utile afin de faciliter le vote autonome des personnes handicapées ». Les élections ont souvent lieu dans des écoles mais on se rend compte que toutes ne sont pas accessibles, et certains électeurs en fauteuil roulant doivent encore passer par l'accès fournisseurs. Y compris dans des écoles neuves !
La ville de La-Chapelle-sur-Erdre, par exemple, a adressé aux présidents une lettre de rappel avec des dispositifs très pratiques…
Oui, des idées pleines de bon sens. Par exemple penser à un cheminement pour arriver au bureau entièrement libre de tout obstacle. Prévoir un isoloir pour les personnes en fauteuil roulant avec un rideau et une tablette plus bas. Vérifier que l'isoloir est bien éclairé, notamment pour les malvoyants.
Et, pour une fois, les chiens sont autorisés ?
Oui les chiens-guides, leur accès ne peut évidemment pas être interdit.
Cela suppose aussi quelques aménagements du processus de vote…
Oui, un électeur handicapé est en effet autorisé à se faire assister par un électeur de son choix pour glisser le bulletin dans l'enveloppe puis dans l'urne. Et s'il se trouve dans l'impossibilité de signer, il peut lui demander de signer à sa place. Il convient, dans ce cas, de mentionner sur la liste d'émargement : « L'électeur ne peut signer lui-même ».
Ne pourrait-on pas imaginer des bulletins en braille ?
Certaines associations le revendiquent mais on rétorque que ce serait trop cher. Pourtant, en Allemagne, cela existe.
Y-a-t-il d'autres exemples dont on pourrait s'inspirer ?
Oui, par exemple aux Etats-Unis, il y a des machines à voter. Il suffit d'appuyer sur un bouton. Il en existe une qui permet aux personnes qui n'ont pas l'usage de leur main de souffler dans un tuyau pour faire bouger le curseur. Certaines affichent même la photo des candidats.
En France, des initiatives sont mise en place par certaines mairies pour préparer au vote.
Oui, c'est le cas à Rézé, une commune de Loire-Atlantique, qui a eu une excellente initiative. Le 24 mars 2017, elle a reconstitué dans les salons de l'hôtel de ville un bureau de vote pour permettre à des travailleurs d'Esat de se familiariser avec le déroulé du scrutin.
C'est notamment le cas de Valentine, 21 ans …
Cette jeune fille n'avait jamais voté et a déclaré « J'ai regardé l'émission à la télé et j'ai déjà choisi. Je veux voter pour le président ». D'autres se sont sentis rassurés de faire le parcours avant l'heure. Bastien avait déjà voté mais ne savait plus comment ça se passait. Et Fabienne a pu s'entraîner à plier le « papier » pour le mettre dans l'enveloppe. L'un d'eux a même proposé de mettre des photos sur les bulletins pour les personnes qui ne savent pas lire. Mais, au-delà de cette initiative, pourquoi ne pas instituer des cours d'éducation civique dans les établissements médico-sociaux ?
Certaines personnes handicapées sont-elles encore « légalement » privées du droit de vote ?
Avant 2007, les personnes placées sous tutelles n'avaient tout simplement pas le droit de voter. Depuis, la loi précise qu'elles ont ce droit légitime à moins qu'un juge ne s'y oppose.
Mais pour quelle raison le ferait-il ?
Lorsqu'il considère que la personne n'a pas son libre arbitre et pourrait être influencée par un tiers. Mais, après tout, ne sommes-nous pas tous influencés par nos proches ? Josef Schovanec, personne autiste, écrivain et philosophe, a déclaré face à cette absurdité : « Le vote n'est pas une question d'intelligence ».
Une entreprise de service à domicile a même prévu un « forfait élection »…
Oui, Age d'or services propose un accompagnement spécifique en vue des élections présidentielles et législatives de 2017. Sur simple réservation, un intervenant vient chercher la personne à son domicile et l'accompagne, à pied ou en véhicule, jusqu'à l'isoloir, avant de la raccompagner chez elle.
L'accès au vote des personnes handicapées est l'un des points défendus par le Défenseur des droits…
Oui il s'appuie en cela sur la Convention internationale des droits des personnes handicapées promulguée par l'ONU. Chaque année, il est alerté sur de difficultés persistantes rencontrées par certaines d'entre elles pour exercer leur droit de vote. Alors l'institution mobilise aussi les élus en charge de l'organisation des opérations électorales pour leur rappeler les règles et procédures à respecter.
Et si, cette année encore, un citoyen veut dénoncer une irrégularité ?
Il est invité à saisir les services du Défenseur des droits qui peuvent, même en quelques jours durant les deux tours, agir dans l'urgence. Ses services expliquaient que certains bureaux avaient dû être déplacés in extremis avant le premier tour d'élections car ils ne répondaient pas aux critères d'accessibilité. Le Défenseur précise que, en théorie, on pourrait même invalider une élection auprès du tribunal au motif qu'une personne a été privée de son droit de vote. Mais il faudrait vraiment que le résultat soit ric-rac !
© Mezerette Thierry / Ville de Rézé