En finir avec les obstacles et les stéréotypes liés au handicap ? Disneyland Paris promet de changer la donne en annonçant un engagement inédit en faveur de l'accueil de ses visiteurs en situation de handicap. Plutôt que de parler de « handicaps », compartimentés dans de petites cases, le groupe veut désormais miser sur « l'autonomie » de chaque visiteur, en lui permettant d'évaluer ses propres capacités ; ce sera alors aux employés des deux parcs (y compris Walt Disney Studios) de s'adapter pour proposer une expérience sur-mesure et sans entrave. Ce nouveau programme d'accessibilité, unique dans le monde, qualifié « d'étape majeure », sera mis en place dès le 3 décembre 2021, à l'occasion de la Journée internationale des personnes en situation de handicap.
Autonomie, mode d'emploi
Concrètement, ça se passe comment ? Pour gagner du temps, le visiteur titulaire d'une Carte mobilité inclusion (CMI) (ou tout autre justificatif officiel de handicap, notamment pour les personnes étrangères) qui le désire est invité à pré-remplir un questionnaire en ligne et à consulter les critères d'accès de chaque attraction, toutes détaillées. Il peut également, le jour de sa visite, s'adresser directement au centre d'information à l'entrée du parc (ou City hall). A la suite de cette démarche, il obtient une carte d'accès « priorité » personnalisée, portant sa photo. Sur ce sésame, selon le degré d'autonomie évalué, figure un code couleur (cinq au total). Destiné aux employés du parc, il va leur permettre d'adapter leur accueil, en toute sécurité, que ce soit sur une attraction, dans un restaurant ou une boutique, en appliquant des procédures d'accès ou d'évacuation minutieusement définies.
L'humain au cœur des procédures
« Jusqu'à maintenant, nos protocoles étaient basés sur le type de handicap, ce qui pouvait engendrer des restrictions trop figées, qui n'étaient pas toujours justifiées au cas par cas », explique Éric Cosset, directeur Produit et développement en charge de l'accessibilité. Il assure que, « désormais, ce sera à la personne en situation de handicap de nous dire ce qu'elle est capable de faire, ou pas ». « Dans l'accueil, plus que les aspects techniques, c'est le facteur humain qui fait la différence ; chaque visiteur est une personne unique et nous allons faire en sorte que nos salariés respectent ses singularités », ajoute-t-il. A ce titre, une grande campagne en interne démarre le 13 octobre avec l'objectif, en deux mois, de sensibiliser et former les 11 000 employés en contact avec le public. Reste que, dans des situations très spécifiques, des visiteurs ne seront pas autorisés à accéder à certaines attractions, par exemple ceux en fauteuil roulant qui ne sont pas en mesure d'être transférés vers le véhicule ou le bateau d'attraction. « C'est l'une des situations qui ne changera pas », prévient Éric Cosset
Inspirer d'autres acteurs
Avec trente ans de recul, l'accessibilité de la « magie Disney » a toujours été un point fort, selon Éric Cosset mais « dans une optique d'amélioration continue, il y a quelques années, on s'est dit qu'il fallait passer à l'étape supérieure dans le cadre d'un développement diversité inclusion sur lequel les grandes entreprises ne peuvent plus faire l'impasse ». Le groupe s'est alors inspiré des commentaires et propositions des visiteurs à besoins spécifiques (125 000 en 2019) et des associations concernées, ainsi que de l'expertise du champion de tennis fauteuil Michaël Jeremiasz. Ce nouveau programme permettra-t-il de briser les dernières barrières ? Rappelons qu'en 2014, l'Unapei avait saisi la justice afin de permettre aux personnes handicapées mentales, notamment trisomiques, d'accéder aux attractions de Disneyland Paris sans devoir justifier de leur capacité à le faire (article en lien ci-dessous).
« La direction et les salariés ne se contentent pas de respecter les normes. Ils poussent l'inclusion aussi loin que possible », a déclaré Carole Guéchi, déléguée ministérielle à l'accessibilité. Daniel Delcourt, DG adjoint opérations de Disneyland Paris, entend ainsi « développer de nouveaux référentiels d'inclusion dans l'industrie des parcs d'attraction en France ». Cap encouragé par Sophie Huberson, déléguée générale du SNELAC (Syndicat national des espaces de loisirs, d'attractions et culturels), qui juge ce tournant « très positif », assurant qu'il « inspirera très certainement d'autres acteurs ».
En savoir plus...
Disneyland Paris promet l'augmentation du nombre d'attractions accessibles, la suppression de l'obligation d'être accompagné. En matière de tarifs, des changements aussi... A ce jour, le visiteur présentant un justificatif officiel de son handicap bénéficie d'une réduction de 10 % sur son billet mais celui de son accompagnateur, obligatoire, est gratuit ; à partir du 3 décembre, tous deux bénéficient d'une réduction de 25 %. Disneyland Paris justifie cette décision, certes moins favorable, par le fait que sa nouvelle politique d'accueil « supprime l'obligation d'avoir un accompagnateur » et assure que cette réduction est « alignée sur les standards des parcs à thème ». Il propose par ailleurs un plan des attractions, un guide de l'accessibilité et un autre dédié aux personnes ayant un trouble du spectre de l'autisme, cognitif ou psychique qui évalue de manière approfondie les niveaux de sollicitations sensorielles et émotionnelles (odeurs, effets de surprise, effets d'eau...), via une échelle d'un à quatre. Disneyland Paris a également mis en place une « carte facilité » dédiée aux personnes qui, atteintes de maladies chroniques invalidantes (ou ALD, affections de longue durée), ne sont pas forcément reconnues comme « handicapées » ; elles peuvent alors bénéficier d'une sorte de rendez-vous programmé leur permettant de ne pas patienter dans la file d'attente. Attention, ce public ne pourra pas bénéficier de la nouvelle carte de priorité.