Chaque année, en France, plus de 200 personnes décèdent faute de greffe. Dans un contexte de pénurie croissante des greffons, changement de législation : l'année 2016 devrait marquer une grande évolution pour le respect de la volonté des personnes défuntes en matière de dons d'organes. Le décret qui devrait préciser les nouvelles modalités d'expression de refus de prélèvement d'organe relève d'un enjeu crucial, notamment pour les personnes souffrant de maladie génétique handicapante telle que la mucoviscidose, qui nécessite dans de nombreux cas une greffe de poumon pour prolonger la durée de vie d'un patient. Extrêmement invalidante, cette maladie qui se caractérise par un dysfonctionnement des poumons et du système digestif ne se guérit pas (lire article ci-dessous). Or seulement 1 patient sur 5 bénéficie d'une transplantation.
Un consentement trop souvent présumé
En France, la loi considère que tout le monde est donneur d'organes par défaut. Ne pas s'inscrire au registre national des refus signifie donc, en théorie, accepter de donner ses organes. Avant d'entreprendre un prélèvement, les équipes médicales consultent toujours les proches du défunt pour s'assurer qu'il n'était pas opposé au don ou avait confirmé son accord. Or, dans plus d'un tiers des cas, les proches invoquent le refus de la personne défunte, souvent sans connaître sa position. Depuis décembre 2015, avec l'amendement Touraine, les familles n'ont plus vraiment leur mot à dire ; renforçant le principe de « consentement présumé », ce texte spécifie que ce n'est pas aux proches du défunt de décider à sa place. Cet amendement, soutenu par la FNAIR (Fédération nationale d'aide aux insuffisants rénaux), a d'abord été critiqué par plusieurs professionnels de santé. Aujourd'hui, il est plutôt salué. Pas question de « prélèvement sauvage » comme avaient pu caricaturer certains opposants ; cet amendement vise à inciter chacun à parler à sa famille et à ses proches de son éventuelle opposition au don d'organes. Un dialogue indispensable pour que le prélèvement ne soit pas vécu comme une violence.
Pouvoir exprimer son refus différemment
Tout en rappelant la possibilité de s'inscrire de son vivant sur le registre national automatisé des refus de prélèvement, le texte de loi ajoute que les personnes « peuvent également exprimer ce refus en le communiquant par écrit à leurs proches ». Au cas où ce témoignage écrit ne serait pas accessible, les proches ou la personne de confiance qui font valoir une opposition au prélèvement qu'aurait manifesté oralement de son vivant la personne décédée auront à faire une transcription écrite de ce témoignage, datée et signée par eux-mêmes et par l'équipe de coordination. Pour la FNAIR, ce projet d'évolution de la loi va dans le bon sens en offrant une nouvelle opportunité d'exprimer de son vivant son refus du don et en faisant comprendre aux proches l'importance de respecter sa volonté. Discuté par un groupe de concertation, le décret d'application de cet amendement, actuellement en dernière relecture au Ministère de la Santé, devrait être prochainement transmis au Conseil d'État et publié dans les prochaines semaines.
La FNAIR espère que la nouvelle « Journée de réflexion sur le don d'organes et la greffe et de reconnaissance aux donneurs » du 22 juin 2016, avec pour slogan « Don d'organes : nous sommes tous concernés », sera une occasion pour que chacun évoque ce délicat sujet en famille, quitte à prendre la décision de consigner son éventuel refus par écrit. Le don d'organes est un acte de solidarité qu'on peut légitimement refuser ; encore faudra-t-il le faire savoir !
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