C'est l'histoire d'une maman qui réclame un aménagement de sa salle de bain pour faciliter la toilette de son fils handicapé. Une ergothérapeute se rend à son domicile et, après avoir étudié les lieux, décide de faire installer une douche… à l'italienne, un système très en vogue chez les particuliers qui ont des problèmes de mobilité (fauteuil roulant, déambulateur…). Le hic, constate la maman après travaux, c'est que, pour y accéder, il faut franchir le seuil d'un bac de 4 cm équipé de portes coulissantes, le tout réhaussé d'une dizaine de centimètres par rapport au sol. Impossible d'y faire entrer un fauteuil, même celui de son fils format enfant (50 cm de largeur). Pour cette famille, la nouvelle option vire à la galère. Depuis, cette maman n'a pas d'autre choix que de faire la toilette de son fils au lit !
N'est pas douche à l'italienne qui veut
Or qui dit douche à l'italienne dit douche de plain-pied, sans receveur, ni porte. Un système pratique mais qui nécessite une installation bien spécifique, conçue dès l'origine pour pouvoir encastrer le siphon. Envisageable dans le neuf mais plus complexe en cas de rénovation puisqu'il est souvent impossible d'en installer un faute de profondeur dans le sol. Quelle solution ? Rehausser le sol de toute la salle de bain ou surélever la douche en créant une marche pour l'accès ! Et c'est cette option qu'a choisie la réglementation existante (arrêté du 24 décembre 2015 relatif à l'accessibilité aux personnes handicapées des bâtiments d'habitation collectifs et des maisons individuelles lors de leur construction) qui considère comme accessible un bac présentant un ressaut. Ce critère figure également dans la loi ELAN en débat actuellement : « L'aménagement ultérieur de la douche accessible doit être possible (…). Le ressaut du bac doit être limité afin de permettre son accès en toute sécurité. » Selon l'arrêté qui sera présenté en septembre, il serait fixé à 4 cm, obligeant à concevoir un plan incliné pour y pénétrer. Face à une telle ineptie, les associations de personnes handicapées réunies au sein du CNCPH (Conseil national consultatif des personnes handicapées) demandent la suppression de cet alinéa.
Du confort pour les aidants
« D'autant que le risque est grand également pour l'aidant qui doit poser le pied sur un plan incliné, de surcroît humide et donc glissant », complète Christian François, ex-représentant au CNCPH qui a fait de l'accessibilité des logements son cheval de bataille. Il dit avoir « alerté sur cette dérive et ses conséquences prévisibles ». Il ajoute par ailleurs que « le moindre ressaut interdit l'usage des aides techniques telles que les chaises de douche et lève-personne et rend le transfert d'un fauteuil roulant à un siège de douche fixe dangereux ». Or, dans le cadre du maintien à domicile de personnes en situation de handicap nécessitant l'assistance d'un personnel salarié amené à la porter, le code du Travail impose à l'employeur de mettre à sa disposition les équipements ou matériels adaptés aux charges manipulées.
Des travaux trop lourds
Le texte de la loi ELAN stipule par ailleurs que « au moins une salle d'eau doit être équipée de manière à ménager la possibilité d'installer une douche accessible ». Il ajoute : « Lorsque la douche n'est pas installée dès l'origine, son aménagement ultérieur doit être possible sans intervention sur le gros œuvre en prévoyant dès la conception un volume suffisant et le positionnement des organes d'évacuation des eaux usées. » Mais comment installer une douche sans ressaut ultérieurement si cela n'a pas été prévu à l'origine ? De telles modifications imposeraient le perçage et le décaissement de la dalle, d'évidence contraire à la notion de travaux simples évoquée par le gouvernement.
L'option universelle ?
Pour Christian François, une « véritable douche à l'italienne assure un gain de surface puisqu'elle peut s'inscrire dans l'aire de 150 cm de diamètre (autorisant un demi-tour en fauteuil roulant) obligatoire dans tous les appartements accessibles ou évolutifs ». La version italienne serait-elle donc le sésame universel ? Pas certain. Lors d'un colloque, Marcel Nuss, lourdement handicapé, expliquait qu'il déplorait que les salles de bain d'hôtel dites « accessibles » en soient presque systématiquement pourvues. Pour lui, qui n'a pas un maintien suffisant, pour d'autres handicaps, comme la myopathie ou les troubles neuro-musculaires pour lesquels un bain chaud peut avoir des vertus thérapeutiques et les familles avec de jeunes enfants, la baignoire s'avère obligatoire.
Reste alors une solution pour les logements qui seraient équipés de douche à l'italienne dès l'origine et qu'il faudrait ainsi adapter aux besoins de l'usager : un système permet de raccorder l'évacuation de la baignoire ou d'un bac à douche conventionnel à un siphon de sol. Pour 20 à 30 euros seulement ! Le prix, pas cher payé, d'une totale accessibilité ?