Sophie Cluzel, secrétaire d'État en charge des personnes en situation de handicap, est aussi mère de famille. À la tête d'une tribu de quatre enfants, elle s'est confiée au magazine Elle (interview complète en lien ci-dessous) sur l'évènement qui a bouleversé sa vie : l'arrivée de sa cadette, Julia, née avec une trisomie 21.
Une annonce surprise
La mère et la fille sont inséparables depuis que Julia a pointé le bout de son nez en décembre 1995. Lors de la grossesse, rien ne laissait présager que le bébé était porteur de trisomie… « Personne n'a rien vu, rien détecté, explique Sophie Cluzel dans Elle. Après l'accouchement, je suis restée avec le pédiatre et je ne comprenais pas pourquoi il mettait tant de temps à l'examiner (sa fille : ndlr). L'angoisse montait. C'était mon quatrième enfant, je voyais bien que cette durée d'examen n'était pas normale. Ces heures ont été les plus longues de ma vie. Quand j'ai découvert que j'avais un enfant trisomique, je n'avais aucune idée concrète de ce que c'était, sinon que c'était une personne 'pas éducable' : c'est ainsi que l'on se représentait la trisomie il y a vingt-deux ans - à tort. ». Après l'annonce, la vie reprend son cours : « L'arrivée de Julia a été bénéfique, aussi bien dans mon couple qu'avec les enfants. Elle a conquis les cœurs avec son premier sourire. Mais, au début, les amis sont tristes pour vous. Ils éclatent en sanglots dans vos bras... Vous n'avez pas besoin de ça ». Elle quitte alors son emploi pour se concentrer sur l'éducation de sa fille. Pleine de doutes, elle trouve du réconfort dans les échanges avec des parents qui vivent une situation similaire : « Je conseille à tous ces parents de ne pas rester seuls et de rejoindre une association. ».
Une entrée en politique
Ancienne businesswoman, elle s'engage très vite en faveur du handicap, fonde et préside différentes associations de scolarisation d'enfants en situation de handicap, accompagnés par d'autres parents, dont la FNASPEH (Fédération nationale des associations au service des élèves présentant une situation de handicap). À l'occasion de la campagne présidentielle de 2017, elle rencontre le futur président de la République : « J'ai fait le tour des candidats en tant que présidente d'associations et j'ai rencontré le candidat Macron et son épouse en avril 2017. ». Son engagement plait au candidat, qui lui proposera par la suite de rejoindre les rangs de son gouvernement : « Pour lui, c'était une évidence de rattacher le secrétariat d'État aux Personnes handicapées au Premier ministre et non au ministère de la Santé comme c'était l'usage. Personne n'avait pensé avant lui à sortir le handicap d'une vision médicale et de l'envisager comme une collégialité complète de responsabilités au sein du gouvernement. Il a fait du handicap la priorité du quinquennat et j'ai participé à approfondir le sujet. ».
Un job à l'Elysée
Aujourd'hui âgée de 22 ans, Julia est une jeune femme pleine de vie. Après un cursus scolaire en milieu ordinaire, de la crèche au collège, elle a trouvé un emploi. « Quand elle était au lycée professionnel, il y a quatre ans, elle a fait un stage à l'Élysée (sous François Hollande), au service de l'argenterie et des couverts. Elle y est toujours, deux jours par semaine, et le reste du temps elle travaille dans un café qui a la particularité d'employer plusieurs serveurs handicapés. Elle a gagné en autonomie. ». Son emploi du temps de ministre lui laisse moins de temps pour sa famille mais sa fille reste son premier soutien et lui rappelle ce pourquoi elle se bat depuis tant d'années : « Au lieu de stigmatiser le handicap avec une politique à part, comme avant, on irrigue tous les ministères des spécificités du handicap : c'est un changement total de méthodologie. À partir de janvier prochain et du nouveau budget, on renverse les choses et on change la donne : les personnes handicapées ne seront plus des objets de soin mais des sujets de droit. ».
© Capture d'écran Elle