Par Laetitia Drevet
La fin de la récré vient de sonner mais David, élève de CE2, n'a pas classe à cette heure-là. Allongé sur un tapis en mousse, son fauteuil roulant garé à ses côtés, il a les jambes levées, maintenues en l'air par sa kiné. Entre un problème de maths et une dictée, David traverse chaque semaine la passerelle qui relie sa salle de classe au centre de soins qu'héberge la cité scolaire Toulouse-Lautrec, située à Vaucresson, dans les Hauts-de-Seine. Du CP au BTS, 350 élèves, 250 handicapés moteurs et 100 dits "valides" sont scolarisés dans cet établissement régional d'enseignement adapté (Erea), auquel TF1 vient de consacrer une fiction en six épisodes (Lire : Lycée Toulouse-Lautrec : nouvelle série TF1 sur le handicap).
"Inclus pour de vrai"
Devant son écran d'ordinateur, Thomas Gouya, en Terminale STMG, remplit en soupirant ses vœux d'affectation sur Parcoursup. Posés sur la table voisine, les bâtons de randonnée sans lesquels il ne peut pas marcher. Porteur d'une "maladie qui (le) fait trembler", le jeune homme souffre de profonds troubles de l'équilibre. Il est scolarisé à Toulouse-Lautrec depuis la quatrième, ayant quitté sans regret un collège ordinaire à Chaville. "J'y ai subi du harcèlement à cause de mon handicap, on se moquait de moi, de ma démarche. Ici c'est pas pareil, on est inclus pour de vrai", affirme-t-il. Louis, adolescent valide, a débarqué dans cette petite classe de six élèves à la rentrée, venu tout droit d'un lycée "bondé". "En arrivant c'est un peu surprenant. Mais au final ce sont des camarades exactement comme les autres. Et dans une petite classe, les profs sont à notre écoute", explique ce jeune Versaillais, sweat à capuche et jean clair.
Un modèle d'école inclusive ?
D'après le ministère de l'Education nationale, cet établissement "très particulier" puisque visant la prise en charge de "handicaps complexes" pourrait "nourrir une réflexion plus générale sur des évolutions nécessaires de l'école inclusive". Certains élèves porteurs de handicaps lourds, trachéotomisés par exemple, pourraient difficilement être scolarisés dans des établissements classiques. A côté de David, dans l'une des salles de kiné encombrées de tapis de course et de ballons colorés, Walid, élève de quatrième, vise d'un bras tremblant un panier de basket. Comme eux, près des deux tiers des élèves en situation de handicap ont besoin chaque semaine de séances de rééducation. "Quand ils sont scolarisés en milieu ordinaire, les élèves loupent les cours au moment des soins. Ici, ils peuvent voir un kiné, un orthophoniste, un psy, sans avoir d'absentéisme", explique la docteure Françoise Sarrazin, responsable du centre de soins, qui dépend de l'Agence régionale de santé (ARS).
Des classes et des bâtiments aménagés
Le proviseur du lycée, géré, lui, par la Région, souligne que l'établissement n'emploie, au total, que seize AESH (accompagnant d'élèves en situation de handicap), signe selon lui d'une véritable autonomie. "Nous avons peu d'AESH mais des classes avec pas plus de douze élèves, des aménagements, un équipement numérique... Tous les cours sont en ligne, en police taille 12 ou 16, en couleur ou écrits une ligne sur deux, selon les besoins des élèves", précise Jean-François Gesbert. Elève de Terminale, Léonie se sent toutefois "un peu bercée" dans ce lycée. "On perd un peu en indépendance. Mais pour une fois dans la société, c'est un lieu plus adapté à nous qu'aux valides", sourit la jeune femme, assise au premier rang dans un fauteuil roulant. L'établissement compte plus de quinze ascenseurs, qui desservent des couloirs assez larges pour permettre à deux fauteuils de se croiser. Et à certains élèves de rouler plein tube, jusqu'à ce qu'ils aperçoivent un adulte.
Enseignants : pas de formation préalable
Dans sa classe de CM1, Anès tient à lire à haute voix l'énoncé de son exercice de maths. Souffrant d'un trouble de la motricité, il écrira la solution sur un ordinateur. En fond d'écran, le petit garçon, en fauteuil roulant, a choisi une photo de Cristiano Ronaldo, son footballeur préféré. "A huit dans une classe, on peut aller à son rythme et quand même boucler le programme", remarque Dominique Blondet, enseignante à Toulouse-Lautrec depuis "une vingtaine d'années". Tous les professeurs dépendent de l'Education nationale mais sont recrutés, sans formation préalable, via une procédure particulière. Attablé à la cantine, ses cannes à portée de main, Thomas Gouya raconte fièrement avoir été figurant dans la série tournée dans les couloirs de son lycée. Si Parcoursup le déçoit, il pourra toujours "tenter le cinéma".
© Cette photo d'illustration générale n'a pas été prise dans le lycée Toulouse Lautrec