« Le chemin pour trouver sa place dans le monde ordinaire en tant qu'artiste, quel que soit son handicap mental, psychique ou son degré d'isolement et de précarité, passe par l'œuvre elle-même. » Mettre en avant le travail des artistes en situation de handicap, c'est l'objectif de l'exposition itinérante « Extra-Ordinaire(s) », qui sera inaugurée le 15 mars 2018, au siège de la MGEN à Paris (15). Cette collection regroupe à la fois des artistes ayant déjà exposé et d'autres inconnus du grand public.
Des artistes à part entière
Elle a pu voir le jour grâce à la création du fonds de dotation #ArtSansExclusion, qui résulte de la collaboration entre EgArt - Pour un égal accès à l'art, une association accompagnant les artistes en situation de handicap ou en grande précarité, et ses partenaires (MGEN, Matmut et Inter invest). Leur ambition : mettre en place une structure qui permettrait de défendre ces créateurs, en visant à la fois leur promotion et l'acquisition de leurs œuvres. Mis en place en mars 2017, ce fonds de dotation a permis la constitution d'une collection dès fin 2017. Elle regroupe une quarantaine d'œuvres d'art brut et actuel. Appartiennent à la classification art brut « les artistes qui ne sont pas issus des canaux habituels de formation à l'art comme les Beaux-arts », explique Fabrice Henry, créateur de ce fonds.
La reconnaissance de l'artiste
L'art brut en tant que tel est reconnu, comme le prouve la collection du Musée de Lausanne (Suisse) « mais beaucoup d'artistes dans cette classification sont aujourd'hui en très grande difficulté pour se faire reconnaître », affirme Fabrice Henry. C'est sur cette légitimité et le fait que certains sont exposés en France et à l'international que l'expo Extra-Ordinaire(s) souhaite s'appuyer. « Pour valoriser les artistes, il faut mettre en avant leurs œuvres », poursuit-il. L'accord de la personne qui exerce la tutelle ou la curatelle est important mais il faut surtout que l'artiste donne son aval.
Sensibiliser le public
L'exposition a également un volet pédagogique puisqu'elle a vocation à « faire comprendre qu'une situation de handicap ou de précarité n'est pas un obstacle à la création », ajoute le créateur du fonds. Dans cette perspective, elle pourrait, à l'avenir, s'associer à l'université de Clermont-Ferrand-Auvergne qui lance une réflexion sur la citoyenneté et le handicap. Itinérante, elle devrait également faire étape dans les musées des Sables-d'Olonne et d'art contemporain de la Matmut près de Rouen. Puis à l'étranger. Les organisateurs aimeraient par ailleurs solliciter la commission culturelle du Sénat. Un volet accessibilité́ a été́ développé pour répondre aux besoins de tous les publics : audiodescription mais aussi transcription des textes de présentation en mode Facile à lire et à comprendre (FALC).
EgArt accompagne les artistes
EgArt, créée en 2010 au sein d'un établissement médico-social, permet aux artistes qu'elle soutient d'exposer et vendre leurs œuvres. « C'est la démarche d'art thérapie qui a mené à la prise de conscience qu'au-delà de la thérapie il pouvait y avoir de l'art », conclut Fabrice Henry. Une partie des artistes de l'exposition « Extra-Ordinaire(s) » sont représentés par l'association. Un appel a également été lancé dans le magazine Valeurs mutualistes de la MGEN, qui a permis à de nombreuses familles de se manifester.
Ailleurs et en d'autres temps…
Des initiatives similaires ont vu le jour, comme en 2013 où une exposition d'art brut regroupant 160 artistes issus de structures associatives et médico-sociales était organisée à Paris. Au XIXe siècle déjà, certains psychiatres conservaient les œuvres de leurs patients ; elles sont dévoilées dans le cadre d'une exposition qui se tient jusqu'au 18 mars 2018 au sein de la Maison Victor Hugo Paris (article en lien ci-dessous). Preuve qu'être hors-norme peut être une qualité précieuse...
© Patrice Bouvier/EgArt