« À compter du 1ᵉʳ décembre 2025, les fauteuils roulants seront intégralement pris en charge par l'Assurance maladie dès lors qu'ils répondent à un besoin médical », confirme l'Élysée. Une mesure inédite en Europe, qui promet de « transformer la vie » des 1,1 million de Français qui les utilisent au quotidien. En faisant de l'Assurance maladie le financeur unique, le gouvernement entend garantir un accès « simple, fluide et surtout sans reste à charge » à ces aides techniques essentielles, qu'elles soient manuelles, électriques, complexes ou destinées à la pratique sportive. Cette réforme, issue d'un engagement présidentiel pris lors de la Conférence nationale du handicap (CNH) en 2023, marque un tournant majeur dans l'accès à la mobilité pour les personnes en situation de handicap.
Un ancien modèle « injuste et indigne »
Jusqu'à maintenant, obtenir un fauteuil roulant relevait souvent du parcours du combattant. Les personnes concernées devaient jongler entre plusieurs financeurs (cinq et parfois même huit), multiplier les dossiers et parfois créer des cagnottes en ligne pour combler les restes à charge. « C'était injuste et indigne, admettait l'Élysée, lors d'un point presse organisé le 28 novembre. L'accès à la mobilité ne doit pas dépendre des moyens financiers. » Les délais, eux aussi, posaient problème : certains attendaient un an ou plus pour réunir les financements nécessaires. Mais, ça, c'était avant...
L'Assurance maladie, nouveau guichet unique
Le nouveau modèle repose sur un principe simple : l'Assurance maladie prend tout en charge. Plus besoin de solliciter la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), les complémentaires santé ou divers fonds d'aide. « L'usager dispose d'un interlocuteur unique, d'un dossier unique et d'un parcours beaucoup plus lisible, sans avoir besoin d'avancer les frais », explique l'Élysée, qui évoque une « mesure de justice sociale ». Le process ? Le médecin habilité (formé à l'appareillage ou spécialisé en médecine physique et de réadaptation par exemple) prescrit un fauteuil roulant adapté aux besoins de son patient, l'ergothérapeute intervient si nécessaire pour affiner l'évaluation (pour les modèles complexes), puis le prestataire de matériel médical transmet le dossier à l'Assurance maladie. C'est également lui qui assure la livraison du fauteuil. « L'usager, de son côté, n'a aucune démarche supplémentaire à effectuer », promet l'Élysée. Cette centralisation vise à rendre l'accès aux fauteuils roulants « plus rapide et plus équitable ».
21 000 euros : prix limite de vente et non plafond de remboursement
Parmi les points techniques qui ont récemment suscité des interrogations figure la question du plafond de 21 000 euros pour les fauteuils électriques. L'Élysée rectifie : « Ce montant correspond au prix limite de vente (PLV), un outil qui encadre le prix du fauteuil pour éviter les dérives tarifaires, et non au plafond de remboursement ! » Concrètement, le PLV fixe la somme maximale que l'industriel peut facturer pour le châssis et les éléments essentiels du fauteuil. Mais il ne limite en aucun cas le remboursement total. « Dès lors qu'une option répond à un besoin médical (repositionnement, assistance respiratoire, système de verticalisation, contrôle oculaire...) elle peut être intégrée sans plafond, insiste l'Élysée. L'Assurance maladie pourra donc être amenée à rembourser 30 000, 40 000 ou 100 000 euros. » Ce système permet, selon le gouvernement, à la fois de maîtriser les prix et de garantir l'accès à un fauteuil véritablement adapté.
Des montants de remboursement revus à la hausse
Le changement est notable : un fauteuil manuel (alliage léger), jusque-là remboursé autour de 600 euros, pourra désormais l'être jusqu'à 6 000 euros. Les fauteuils électriques de positionnement verront leur remboursement passer de 4 000 euros à 21 000 euros, auxquels pourront s'ajouter toutes les options nécessaires. Les fauteuils de sport, quant à eux, bénéficieront d'un forfait de 2 400 euros, ajustable en fonction des besoins.
Financer l'autonomie quoi qu'il en coûte ?
S'agissant du coût global pour la collectivité, l'Élysée revendique un choix assumé : celui de ne pas fixer de plafond budgétaire. Jusqu'à présent, l'Assurance maladie consacrait environ 300 millions d'euros par an au remboursement des fauteuils roulants. Avec la prise en charge intégrale, ce montant devrait mécaniquement augmenter. Budget estimé ? « On ne sait pas, reconnaît l'Élysée. Peut-être 400, 450 ou 500 millions d'euros, peut-être plus... » « La réforme n'a pas été pensée pour tenir une enveloppe, elle a été pensée pour répondre aux besoins, insiste-t-on. On est tous très soucieux de l'avenir de l'Assurance maladie mais on ne choisit pas de se déplacer en fauteuil roulant. »
Des délais encadrés pour éviter les blocages
Autre évolution majeure : les délais de traitement. Pour les fauteuils simples, l'Assurance maladie disposera de quinze jours pour rendre sa décision. Pour les modèles plus complexes, elle aura deux mois. Et si elle ne répond pas dans ce délai, le devis est validé : « c'est le principe du silence vaut accord ».
Achat priorisé, location encadrée
La réforme clarifie aussi les modalités d'accès. « L'achat reste la voie privilégiée, affirme l'Élysée. Acquérir un fauteuil permet de garantir l'autonomie d'une personne. » La location de courte durée est réservée aux besoins temporaires, comme une fracture ou une opération. « C'est uniquement pour cette option-là que les complémentaires santé peuvent intervenir, sinon c'est inutile », précise l'Élysée. La location de longue durée, elle, s'adresse aux personnes concernées par une pathologie évolutive, comme la Sclérose latérale amyotrophique (SLA) ou la myopathie de Duchenne, permettant un ajustement du matériel en fonction de l'évolution de la maladie.
Une nomenclature dépoussiérée
Autre élément clé : une refonte en profondeur de la « nomenclature », liste officielle qui classe les fauteuils roulants par catégories et détermine leur niveau de remboursement. Ce document, utilisé par les médecins, les prestataires et l'Assurance maladie, « n'avait pas été actualisé depuis plus de trente ans », confie l'Élysée. À l'époque, les fauteuils électriques étaient plus rares, les options limitées et les besoins bien moins documentés qu'aujourd'hui. « Il était indispensable de revoir un texte qui ne correspondait plus ni aux pratiques, ni aux besoins, ni aux technologies actuelles. » Désormais, la nomenclature reflète la diversité réelle des fauteuils et permet d'associer à chaque catégorie un niveau de prise en charge cohérent.
Qualité renforcée et normes révisées
« La réforme met aussi en avant la qualité des fauteuils », poursuit l'Élysée. Pour être remboursés, ils devront répondre à des critères stricts et obtenir une certification du CERA, le laboratoire français chargé d'évaluer et de certifier les aides techniques. « Les modèles qui n'ont pas de certificat ne seront pas remboursés. » Une exigence qui réduit les « risques » et favorise les fabricants dont les modèles respectent les standards européens.
Selon le gouvernement, cette exigence devrait aussi « avantager les filières françaises », désormais moins soumises à la concurrence des modèles d'entrée de gamme. « Le remboursement n'est plus au cœur de la compensation de l'autonomie : les personnes handicapées ne cherchent plus le fauteuil le moins cher mais celui qui répond à leurs besoins », estime-t-il.
Une réforme « historique » co-construite avec les associations
Cette réforme porte aussi l'empreinte de celles et ceux qui l'ont ardemment réclamée. « Nous l'avons co-construite notamment avec les associations de personnes en situation de handicap. Elles ont énormément travaillé et ont été très 'vigilantes'. Elles avaient raison », reconnaît l'Élysée.
APF France handicap salue une avancée « historique » pour « des milliers de personnes, dont une part importante vit sous le seuil de pauvreté ». « Cette réforme est une révolution que nous attendions et que nous sommes fiers d'avoir contribué à faire naître », se réjouit sa présidente, Pascale Ribes. Elle se félicite notamment de la prise en charge intégrale, de la reconnaissance de toutes les catégories de fauteuils, y compris les scooters, et de l'intégration de dispositifs longtemps exclus, comme la troisième roue électrique ou les commandes pour aidants. L'association, engagée depuis plus de vingt ans sur ce dossier, rappelle que le fauteuil roulant est bien plus qu'une aide technique : « C'est un prolongement du corps, un mode de déplacement et donc de participation sociale. »
Un comité de suivi pour ajuster la mise en œuvre
À compter de janvier 2026, un comité de suivi, réunissant associations, industriels, prestataires et pouvoirs publics se réunira tous les mois pour surveiller la montée en charge du dispositif, identifier les éventuels blocages et ajuster les règles si nécessaire. Les MDPH seront également accompagnées dans cette transition, puisqu'elles n'auront plus à instruire les demandes de financement de fauteuils roulants. « Le message aux départements est clair : recentrer leurs aides sur l'adaptation du domicile ou d'autres dispositifs », indique l'Élysée.
Un chantier colossal
Derrière l'annonce, un chantier colossal se dessine. Il faudra veiller au respect des délais, accompagner les professionnels, garantir la qualité des fauteuils et éviter les ruptures d'approvisionnement. Le comité de suivi, associations en tête, promet d'être aux avant-postes de ce déploiement. « Nous entrons dans le dernier kilomètre », prévient APF France handicap, qui promet une vigilance de chaque instant.
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