« Parfaite définition de l'art : une singularité qui concentre tant d'énergie positive qu'elle peut courber le temps et arrêter l'héritage du malheur. C'est ce qui advient au cours de ce mystère de la représentation hors temps », écrit Olivier Py, directeur du festival d'Avignon. Et les spectacles à l'affiche du 6 au 24 juillet 2018 ne le contrediront pas. Cette année encore, le handicap s'invite au programme. Morceaux choisis…
Kafka par l'atelier Catalyse
En 2016, accompagnés de musiciens, les comédiens en situation de handicap de l'atelier Catalyse avaient connu un beau succès en jouant Ludwig, un roi sur la lune dans une mise en scène de Madeleine Louarn. La pièce de Frédéric Vossier était inspirée de la vie de Louis II de Bavière, le « roi fou ». Ils reviennent avec une nouvelle création : Le Grand théâtre d'Oklahama, d'après les derniers écrits, souvent méconnus, de Franz Kafka, mis en scène par Madeleine Louarn et Jean-François Auguste. La pièce « raconte nos aveuglements, nos désirs d'assimilation et de liberté et comment ils participent trop souvent à nous faire accepter ce qui nous oppresse et nous domine. » Une occasion de se laisser interroger, bousculer et émouvoir par des comédiens singuliers et talentueux (du 7 au 12 juillet).
Raimund Hoghe, son corps dans la bataille
« Il corpo nella lòtta, (traduire : Jeter son corps dans la bataille), écrit Pier Paoli Pasolini. La phrase s'est inscrite non seulement dans mon esprit, mais elle m'a poussé à m'exposer sur le plateau. Avec un corps qu'on avait rarement vu sur scène, car si un corps comme le mien apparaît au théâtre ou dans un film, il est en général limité à des rôles particuliers, à des emplois très réduits », écrit le danseur et chorégraphe Raimund Hoghe, qui a été dramaturge de Pina Bausch. Le « petit homme bossu » revient à Avignon et présente deux œuvres dans lesquelles il danse également. 36 avenue Georges, Mandel est un hommage à Maria Callas, avec la référence à l'adresse de la fin de sa vie qui a été marquée par la solitude et l'abandon (du 17 au 19 juillet). Et Canzone per Ornella pour la danseuse Ornella Balestra (du 22 au 24 juillet).
Paroles de « fous »
Et pourquoi moi je dois parler comme toi : des textes écrits dans des lieux d'enfermement, des hôpitaux psychiatriques, paroles jaillies, vitales, puissantes, préservées souvent par miracle, ont été sélectionnés par la comédienne Anouk Grinbert. Des écrits d'artistes d'art brut inconnus ou connus comme Aloïse Corbaz ou Adlof Wölfli, avec en écho des textes d'écrivains : Dickinson, Michaux, Tsara... Anouk les fera entendre sur scène, accompagnée par le musicien Nicolas Repac. Elle précise : « Contrairement aux idées que l'on se fait des « fous », qui produiraient des choses mortifères, ce que j'adore chez eux, c'est leur vitalité, leur créativité. En découvrant leurs réalisations, je me suis souvent dit que ce sont nous les infirmes, parce qu'on a été éduqué, parce qu'on a des ambitions artistiques, qu'on est des gens dits civilisés, 'haut de gamme'. » (du 19 au 22 juillet).
Une démarche d'accessibilité
Le festival d'Avignon poursuit sa politique d'accessibilité (pas dédiée en lien ci-dessous). Toutes les salles sont accessibles aux personnes en fauteuil roulant sauf trois : le théâtre Benoit XII, le gymnase du lycée Saint-Joseph et Les Hivernales-CDCN. À signaler au moment de la réservation au 04 90 14 14 14. Une navette PMR permet de circuler dans le Grand Avignon, sur réservation au 0 800 456 456 ou www.tcra.fr. Et le théâtre Benoît XII est équipé d'une boucle magnétique.
Le programme signale des spectacles naturellement accessibles aux personnes sourdes ou malentendantes. Des spectacles de danse, sans paroles ou très visuels (Grito Pelao, Kreatur, May He Rise and Smell the Fragrance, 36 avenue Georges Mandel, Canzone per Ornella…) ou avec surtitrage (Summerless, TRANS (Mès enllà), Tartiufas, De Dingen die voorbijgaan, Mama). Les spectacles de textes comme Thyeste de Sénèque mis en scène par Thomas Jolly ou Iphigénie de Racine mis en scène par Chloé Dabert, les concerts, lectures, rencontres et émissions de radio sont eux particulièrement accessibles aux spectateurs aveugles ou malvoyants. Certaines n'avaient jamais vu la mer, mis en scène par Richard Brunel, sera audiodécrit le 21 juillet à 22h par Accès Culture, et précédé d'une visite tactile du décor à 18h30.
Une adresse mail est dédiée aux spectateurs en situation de handicap : accessibilite@festival-avignon.com . Les allocataires de l'AAH (Allocation adulte handicapé) bénéficient de tarifs réduits, et certains de ces événements sont gratuits : spectacles, conférences, émissions de radio… Sans oublier le spectacle dans la rue !
© Christophe Raynaud De Lage / Festival d'Avignon
"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par M-C Brown, journaliste Handicap.fr"