Paris, 06 fév 2014 (AFP)
Les niveaux de chlore anormalement élevés dans les neurones du foetus pendant l'accouchement sont déterminants dans l'apparition de l'autisme et peuvent être réduits par l'administration précoce d'un médicament diurétique, selon une étude sur l'animal validant l'utilisation bénéfique de ce traitement testé chez des enfants autistes.
La communauté scientifique s'accorde sur l'origine précoce - au stade foetal et/ou postnatal de l'autisme.Le Pr Yehezkel Ben-Ari , directeur de recherche émérite à l'Inserm et son équipe de l'Institut de neurobiologie de la méditerranée (INMED), dont les travaux sont parus jeudi dans la revue américaine Science, viennent de franchir un cap dans la compréhension de ce trouble du développement.
Les chercheurs ont enregistré pour la première fois l'activité des neurones embryonnaires et des neurones immédiatement après la naissance afin d'observer les modifications des taux de chlore (plus précisément de ions chlorure). Alors que ces niveaux chutent lors de l'accouchement chez les souris saines, ils restent anormalement élevés chez leurs congénères atteints de deux formes d'autisme, l'une génétique et l'autre provoquée par l'injection à la rate gestante d'un produit, le valproate.
L'administration à la mère, peu avant la mise bas, du diurétique, le bumétadine, restaure une activité cérébrale quasi normale et corrige le comportement "autiste" chez les descendants, d'après les chercheurs. Ces derniers montrent également l'implication de l'hormone qui déclenche le travail de l'accouchement, l'ocytocine, qui agit normalement comme le diurétique en abaissant le taux de chlore dans les cellules nerveuses du cerveau. En revanche, l'hormone reste inopérante sur les foetus animaux prédisposés et le chlore s'accumule à des concentrations anormales dans leurs neurones. Et si l'on bloque cette hormone chez des souris gestantes normales, leurs portée présentent des taux de chlore élévés et un comportement autistique.
Cette étude valide les essais cliniques utilisant ce diurétique chez des personnes atteintes d'autisme, estime le Pr Ben Ari en évoquant un essai concernant plus d'une cinquantaine d'enfants, âgés de 11 à 13 ans, dont les
résultats ont été publiés en décembre 2012. Ce traitement a permis, pour les trois quarts des enfants traités,
d'atténuer la sévérité de leurs troubles grâce à l'amélioration de leur capacités d'échanges avec l'entourage. Mais à l'arrêt du traitement, les troubles réapparaissent. Donc des enfants continuent à le prendre. Restait à démontrer l'hypothèse (élimination du chlore dans les neurones) qui justifiait ce traitement.
A présent, un essai complémentaire est en cours (80 autistes) et les résultats devraient être disponibles en 2015 au plus tard. Le Pr Ben Ari, co-fondateur d'une start-up Neurochlore, bien que soutenu par l'Inserm, dit n'avoir pas trouvé de financement en France et s'être tourné vers un fonds américain qui a apporté 3 millions d'euros pour la poursuite des recherches. Il n'est pas envisagé de traiter la femme avant la naissance (faute de moyen pour dépister l'autisme chez le foetus humain). Mais selon le Pr Ben Yari , un diagnostic précoce associé à un médicament comme bumétamide ou d'autres agents régulateurs capables de réduire l'activité aberrante du cerveau qui perturbe celle des neurones sera probablement un traitement d'avenir.
Les traitements comportementaux pourraient être renforcés par les médicaments et faciliter leur réussite, en restaurant la communication avec l'enfant au-delà de la prime enfance.