Partis de Chamonix (Haute-Savoie), Vanessa et ses compagnons de cordée devaient initialement commencer leur expédition le 5 octobre. Mais la paralysie budgétaire aux États-Unis a chamboulé leur programme en obligeant le gouvernement fédéral à fermer le parc national de Yosemite.
Après un moment d'hésitation, l'équipe a finalement décidé de tenter l'ascension malgré tout.
Née en Belgique il y a 41 ans, l'infirmière aux yeux bleus rieurs a découvert l'escalade en 2003 par le biais d'un stage de l'UCPA.
Fascinée par les montagnes, elle s'installe au pied du Mont-Blanc, et enchaîne les courses d'alpinisme jusqu'à cette journée ensoleillée d'avril 2010 où un bloc se décroche en face sud de l'Aiguille du Midi.
Elle qui passait les tests pour devenir guide de haute montagne apprend qu'elle ne pourra plus jamais se servir de ses jambes.
"J'ai pas eu de chance, c'est tout", dit cette rescapée de la montagne. Loin d'être dégoûtée des parois où la vie tient à un doigt, la grimpeuse ne parvient pas à quitter ses sommets. "J'avais besoin de rester encore avec les
montagnes. J'avais pas envie de les quitter", confie-t-elle."Je remonte encore parfois à l'Aiguille du midi, ça me fait du bien",ajoute-t-elle.Né comme un rêve deux mois après l'accident, le projet de grimper "El Capitain", dans le parc de Yosemite, prend forme peu à peu."Ça permet d'avancer, d'avoir un but", raconte la jeune femme qui ne se déplace qu'en fauteuil roulant et vit de l'allocation adulte handicapé.Des amis d'escalade se greffent à l'expédition et ils remportent en 2012 la bourse "MXP" du fabricant de vêtements de montagne Millet.
Vanessa s'entraîne alors deux à trois fois par semaine à Chamonix et part escalader des parois de 200 mètres dans les gorges du Verdon, aidée par ses compagnons de cordée qui la portent jusqu'à la falaise.
1.000 tractions pendant 4 à 5 jours
Assise sur une sellette de parapente adaptée à l'escalade, elle enchaîne les tractions grâce à un ingénieux système de poulies et de poignées autobloquantes dont l'une est fixée sur un guidon.
A Yosemite, elle a enchaîné 1.000 mouvements de traction par jour pendant les 4 jours d'ascension.
Son ami Fabien Dugit a équipé la voie en cordes fixes, tandis que Liv Sansoz (double championne du monde d'escalade) et Marion Poitevin (première femme à avoir intégré le Groupe Militaire de Haute Montagne) hissaient les sacs."Plutôt que de penser à sa petite voie (d'escalade, ndlr), sa petite performance, on pense à la performance de quelqu'un d'autre, ça change un peu", se réjouit Marion Poitevin.
"L'esprit de cordée reprend son sens", ajoute-t-elle.Un documentaire doit suivre, dans lequel Vanessa François aimerait montrer le handicap au quotidien.
"L'expédition, elle est dans la vie de tous les jours", dit-elle."Le sport, c'est du plaisir. Dans la vie quotidienne, il y a beaucoup plus de contraintes", souligne la grimpeuse. D'ailleurs, "aller poster une lettre, ça demande beaucoup d'énergie" !