Par Chloé Coupeau, Manuel Sanson, Manuel Sanson
Est-ce "a priori compliqué" pour un couple homosexuel d'adopter "un bébé qui va bien, de trois mois" ? A cette question de France Bleu Normandie Seine-Maritime/Eure à la collectivité, la réponse de Pascale Lemare, responsable du service adoption au département, est claire : "Il y aura des parents qui correspondent davantage aux critères requis". - "Et donc pas un couple homosexuel? ", interroge la journaliste de France Bleu dans un entretien disponible sur le site de la radio. - "Ben non", confirme Mme Lemare. Car, pour cette fonctionnaire dont les propos ont été "condamnés très fermement" par le président du département Pascal Martin (Mouvement radical) dans un communiqué, les couples de même sexe sont "un peu atypiques, si on peut dire, par rapport à la norme sociale et à la norme biologique", et "donc si leur projet supporte des profils d'enfants atypiques (...), si les couples homosexuels ont des attentes ouvertes, ils peuvent très bien adopter un enfant".
Des enfants atypiques ?
Invitée à préciser ce qu'elle entendait par "enfant atypique", la responsable de service a répondu : "Des enfants dont personne ne veut, puisqu'il y a des gens qui veulent pas adopter des enfants trop cassés, trop perturbés psychologiquement, trop grands, handicapés. Ces enfants-là ont des perturbations qui ne sont pas recherchées par les couples et c'est normal". Interrogé le 19 juin 2018 par l'AFP, le service adoption du département a indiqué que Mme Lemare n'était pas disponible. Le président du département, dans son communiqué, "réaffirme qu'en aucun cas, l'orientation sexuelle des futurs parents n'est un critère d'évaluation" du service.
Vives réactions
Mais les propos de la responsable n'en ont pas moins suscité de vives réactions. "Ils sont contraires aux principes de neutralité, d'égalité et de refus des discriminations qui caractérisent la fonction publique. Je les condamne", a tweeté le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Action et des Comptes Publics, Olivier Dussopt. "Nous avons porté plainte auprès du procureur de la République de Rouen. Nous sommes extrêmement choqués par ces déclarations", a ainsi déclaré Alexandre Urwicz, président de l'Association des familles homoparentales (ADFH). "Nous sommes scandalisés. On avait déjà entendu des choses à propos de la politique d'adoption du département mais cela restait du domaine de la rumeur", a réagi de son côté auprès de l'AFP Géraldine Chambon, membre du centre LGBTI de Normandie, "Nous sommes en phase de réflexion quant au déclenchement d'une action en justice". "Les enfants sont égaux. Et toutes les familles aussi", a réagi le Défenseur des droits Jacques Toubon sur Twitter, en annonçant se saisir d'office "afin d'enquêter sur les pratiques du service de l'adoption du département de la Seine-Maritime". France Bleu avait recueilli trois témoignages de couples homosexuels évoquant ces discriminations avant de réaliser cet entretien avec la responsable du service adoption, en présence d'une responsable de la communication du Département.
Le même discours
Parmi ces témoignages, Julie (prénom d'emprunt), 38 ans, en couple avec une femme depuis 10 ans, explique avoir rencontré Mme Lemare en 2016 en vue d'une adoption. La fonctionnaire "nous a tenu le même discours qu'à la journaliste. A savoir qu'il est très difficile pour un couple homosexuel de voir son projet aboutir". "Si nous voulions quand même persévérer dans cette démarche, il fallait que nous soyons prêts à accueillir un enfant à besoin spécifique, très grand ou alors avec des problèmes de santé. Au final, on a abandonné l'idée d'adopter. On n'a pas été plus surpris que ça de ce discours vu que la discrimination, on la vit au quotidien", a indiqué la jeune femme. Interrogé par l'AFP sur d'éventuelles sanctions à l'encontre de Mme Lemare, le conseil départemental a indiqué que son président attendait, pour en décider, le résultat d'un audit externe pour voir s'il existait un dysfonctionnement à l'intérieur du service.
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