Par Benoit Pavan
Dans Patients, son premier galop d'essai au cinéma mené sans prétention, Grand Corps Malade raconte avec humilité et humour l'année de rééducation ayant suivi l'accident qui, à 20 ans, l'a rendu tétraplégique. Coréalisé avec Medhi Idir, qui réalise ses clips, ce long métrage autobiographique est adapté d'un livre du même titre publié en 2012 par le slameur de 39 ans (article en lien ci-dessous), dans lequel il racontait son combat pour retrouver l'usage de ses bras et de ses jambes. « Tous les personnages du film ont existé et toutes les scènes ont eu lieu. Par pudeur, j'ai laissé de côté des éléments de mon histoire intime », explique l'artiste à l'AFP au Festival de cinéma européen des Arcs (Savoie), où le film était projeté en ouverture.
Paralysé après un mauvais plongeon
Patients narre l'arrivée dans un centre de rééducation de Benjamin, un jeune étudiants en Staps (sciences et techniques des activités physiques et sportives) paralysé après un mauvais plongeon dans une piscine. Sans jamais chercher le coup d'éclat, le film brille par la sincérité de son propos, bien servi par une galerie de personnages drôles et attachants, portés par une flopée de comédiens épatants, et que le néo-réalisateur a le mérite de ne jamais laisser en chemin. « J'aime tous les types d'écriture et j'avais envie de me frotter au cinéma. Au fur et à mesure de l'avancée du scénario, je me suis pris au jeu et j'ai eu envie d'aller au bout en le réalisant », explique Fabien Marsaud, son vrai nom. « J'ai pris cette expérience presque froidement. Elle n'a pas été un exutoire. Je n'étais pas dans l'affect mais dans l'application d'un scénario et dans la direction d'acteurs. »
"Humour handicapé"
Grand Corps Malade décrit avec une légèreté et une autodérision rafraîchissante un quotidien pourtant fait de combats perdus d'avance, de silences, d'intimité bafouée et de renoncements où il faut « niquer des heures » pour passer le temps. Le slameur n'évite aucune thématique douloureuse liée au handicap - pas même sa très tabou sexualité - et parvient, grâce à une touche d'humour toujours bien placée, à ne jamais flirter avec le larmoyant. « Dans les moments de galère, j'avais besoin de me marrer. C'est certainement l'année la plus difficile de ma vie mais j'en garde de bons souvenirs parce qu'on a beaucoup déconné avec les potes du centre. L'humour du film existait vraiment », insiste celui qui se déplace aujourd'hui avec une canne, évoquant même « un humour handicapé », plus « trash et cynique », dont le film dévoile le moins osé.
Tournage dans son centre de rééducation
Si le récit s'alourdit parfois de quelques longueurs et situations prévisibles, Patients offre au spectateur une plongée « pédagogique » dans cet univers. « La caméra suit l'évolution physique du personnage. Plus il évolue physiquement et plus des mouvements de caméra apparaissent. On ne voulait aucun effet », détaille Medhi Idir. Le film a été tourné durant sept semaines au centre Coubert, en Seine-et-Marne, là où Grand Corps Malade a effectué sa rééducation. Les acteurs ont travaillé au contact de son personnel soignant pour apprivoiser la gestuelle des patients en fauteuil, qui ont joué les figurants. « Le tournage a changé notre regard. On a compris que pour les personnes en situation de handicap, retrouver l'autonomie est beaucoup plus important que de pouvoir marcher à nouveau », affirme Pablo Pauly, révélation du long métrage dans le rôle principal. Côté bande son, le spectateur retrouve NTM, Naas ou encore Lunatic. Produit par Mandarin et Gaumont pour environ 4 millions d'euros, Patients sortira dans les salles le 1er mars 2017.