Par Jessica Lopez
« Nain », « nabot », « minus » : ces mots ont rendu Othmane El Jamali plus fort. À 32 ans, ce cadre à la SNCF préside depuis peu l'Association des personnes de petite taille, bien décidé à prouver qu'elles ont leur place dans la société. Atteint de nanisme disproportionné, achodronplasie, le plus courant, Othmane El Jamali a « une tête normale, des os épais, des organes classiques », il a juste « grandi moins vite ». Ce trentenaire coquet -pull col V et chemise sur mesure- a été élu en mai 2016 président de l'Association française des personnes de petite taille (APPT). Un défi pour ce responsable d'équipe qui veut « rendre visible une population isolée ». « Et qu'on arrête de nous appeler les nains, c'est péjoratif », dit-il à l'AFP dans un café parisien, refusant de donner sa taille.
Jamais à la bonne hauteur
Reconnu comme une maladie génétique rare, le nanisme (moins d'1m40 pour une femme, 1m45 pour un homme) concerne environ 400 naissances par an. À l'exception de quelques acteurs et humoristes, les personnes de petite taille sont peu visibles dans la société. Leur quotidien, retirer de l'argent, passer les tourniquets du métro, peut parfois s'apparenter à un parcours du combattant où rien n'est à bonne hauteur. Arrivé du Maroc en 2002 pour faire ses études supérieures à Paris, Othmane El Jamali a adhéré à l'association en 2012, et pris « une gifle ». Lui, « le bobo parisien » qui fait de la plongée sous-marine et possède le permis bateau, rencontre « des gens isolés avec des parcours gâchés parce qu'on leur a dit qu'à cause de leur taille ils ne pourraient pas réussir », raconte cet homme « chanceux » d'avoir un père qui lui a dit un jour « on se souviendra toujours de toi, ce serait bien que ce soit parce que tu es premier ».
La différence est un cadeau
Quatrième d'une fratrie de cinq, il est né et a grandi à Casablanca. Sa mère, catholique, originaire du sud-ouest de la France, et son père, Marocain, se sont « toujours battus pour la différence ». Il y a 30 ans, le nanisme n'était pas détecté lors des échographies comme aujourd'hui. Pour sa mère, son handicap est « dur à vivre » mais « chez les Musulmans, la différence est un cadeau », répète son père. Élevé comme ses frères et sœurs, « chouchou » de classe, Othmane se souvient néanmoins de cette rentrée en maternelle où il s'est senti « pour la première fois plus petit que tout le monde », et de ce prof de CE1 qui ne voulait pas de lui car « petite taille, petit cerveau ». « Pas grincheux » pour autant, ça l'a rendu « compétiteur, grand ambitieux ».
10 000 en France
Embauché en 2008 à la SNCF, il avait peur de ne pas être aimé à cause de son handicap quand il est passé chef d'un groupe d'acheteurs et il a bénéficié d'un coach. Des conseils qu'il a gardés aussi pour diriger l'APPT, fondée en 1976 pour soutenir la recherche médicale, aider les familles, faciliter la vie des personnes de petite taille et sensibiliser à leur handicap. « On est 10 000 en France » et « c'est en acceptant de prendre part -ensemble- à la société qu'on pourra changer le regard », prône-t-il. Sortir, aller au café, faire du sport, passer son permis, il encourage toutes les initiatives. Mais finie l'époque où l'association recevait les offres de figuration, sérieuses comme grotesques. Pas question de cautionner « les rôles de bouffon ou de lutin ».
Caricatures en tous genres
« Niveau injures, on prend très cher », poursuit-il, fustigeant les humoristes « incapables de faire un spectacle sans parler de nains » et les films « où on les met dans le four, on les lance ». « Ce n'est pas en rencontrant 300 lycéens par an qu'on va rivaliser avec des millions d'entrées », se lamente cet intervenant dans les écoles. Pour 2017, il aimerait que l'association soit reconnue d'utilité publique et qu'elle rende fière ses adhérents. Et il rêve qu'on dise un jour : « J'aimerais bien lui ressembler, même s'il est petit ».
© Jean-François Paga