Dernière minute du 17 janvier 2019
Depuis des mois, la Fnath (Association des accidentés de la vie) s'est battue pour que la représentation obligatoire par avocat devant les Cours d'appel ne s'applique pas au contentieux social qui touche les plus fragiles. Il aura fallu attendre la seconde lecture du texte à l'Assemblée nationale pour obtenir gain de cause. Alertés par un collectif d'associations, les députés ont donc décidé de faire marche-arrière. Dans un communiqué daté du 17 janvier 2019, la Fnath se dit « heureuse de cette victoire en faveur des personnes les plus vulnérables ».
Article initial du 28 novembre 2018
Handicap.fr : Avec son projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la Justice, Nicole Belloubet, garde des Sceaux, souhaite renforcer l'organisation des juridictions. Cette réforme, et plus précisément l'article 4, entraîne un certain nombre de changements dans l'accès à la justice des personnes handicapées, et notamment devant les juridictions d'appel de certains contentieux. Quels aménagements ont été prévus ?
Linda Aouar : Un grand nombre de prestations délivrées, au titre du code de la Sécurité sociale ou du code de l'action sociale et des familles, en direction des personnes en situation de handicap, faisaient l'objet de recours devant des juridictions sociales spéciales : tribunal des affaires de la Sécurité sociale (TASS) ou tribunal du contentieux de l'incapacité (TCI) ou encore commission départementale de l'aide sociale (CDAS). Avec cette réforme, les TCI, le TASS et les CDAS vont disparaître afin de rassembler ses contentieux devant le tribunal de grande instance (et une part du contentieux anciennement traité par les CDAS devant le tribunal administratif). Au sein des TGI, un pôle social sera créé, compétent pour recevoir ces contentieux. Mais le problème, c'est que la réforme vise à introduire la représentation obligatoire et systématique d'un avocat devant les juridictions d'appel (article en lien ci-dessous). Or, jusque-là, dans les contentieux sociaux, nous pouvions, en tant qu'association, représenter les personnes car il n'y avait pas pléthore d'avocats assez compétents et pertinents sur ces sujets pour pouvoir les soutenir et faire un recours.
H.fr : Un exemple concret ?
LA : Après une décision de la CDAPH concernant les évaluations des heures d'aide humaine ou un taux d'incapacité, par exemple, si les personnes étaient déboutées de leur demande ou si elles avaient obtenu gain de cause et que l'administration faisait appel de la décision, elles pouvaient continuer à bénéficier de l'aide des associations devant la juridiction d'appel. Or, avec cette réforme, le recours à un avocat devient obligatoire.
H.fr : Quelle est la plus-value des associations en matière de contentieux ?
LA : Le régime juridique applicable aux prestations sociales n'est pas très connu, voire pas considéré comme entrant dans le champ juridique, mais plutôt une matière réservée aux travailleurs sociaux ou aux associations qui répondent aux questions des personnes en situation de handicap ou des familles pour l'accès à leur droit... C'est grâce à cette pratique d'accompagnement au quotidien, liée à la multiplicité de problématiques existantes, que nous maîtrisons le sujet.
H.fr : Qui cette réforme concerne-t-elle exactement ?
LA : Tout le champ des prestations versées aux personnes en situation de handicap, tout comme le RSA ou l'APA (personnes âgées). Les organismes concernés sont donc aussi bien la MPDH que les caisses de Sécurité sociale (caisse primaire d'assurance maladie ou d'allocation familiale), notamment pour l'AAH et l'AEEH (ndlr : allocation aux adultes handicapés et allocation de l'éducation de l'enfant handicapé).
H.fr : Mais les particuliers pourront toujours bénéficier d'une aide juridictionnelle entièrement gratuite ?
LA : Non, pas systématiquement, malheureusement, d'autant que, dans certains cas, elle ne prend pas l'intégralité des frais en charge. Tout dépend des ressources de chacun. Dans son argumentaire, le gouvernement explique que le recours à un avocat va permettre de renforcer les droits des personnes car ce contentieux est technique. Franchement... Certes, les avocats sont sérieux et travaillent bien leurs dossiers mais au niveau de la connaissance du sujet et de l'expérience, nous avons des doutes. Notre objectif n'est pas de refuser l'accès à l'avocat mais de maintenir la possibilité de se faire accompagner par une association. Lorsque le texte était en lecture au Sénat et à l'Assemblée nationale (séance du 21 novembre), nous avions demandé que ce principe soit retiré mais aucune modification n'a été apportée. C'est vraiment une régression.
H.fr : Cette réforme est arrivée comme un cheveu sur la soupe ; les associations ne l'ont pas vu venir ?
LA : Non. Nous nous sommes manifestés quand nous avons pris connaissance du projet de loi au printemps puis tout au long des diverses auditions parlementaires à la rentrée mais n'avons pas été entendus.
H.fr : Et, maintenant, envisagez-vous d'autres actions ?
LA : Eh bien, là, ça me semble un peu compliqué mais nous allons intensifier notre mobilisation pour que notre demande déjà ancienne d'exclure l'AAH des ressources prises en compte pour l'accès à l'aide juridictionnelle soit entendue.
*Conseillère affaires juridiques et contentieux