L'employeur, garant de la santé mentale de ses collaborateurs ? Trois quarts des salariés du secteur privé en seraient convaincus, selon le sondage « La santé mentale en entreprise », mené par OpinionWay et Le Psychodon, dont les résultats ont été dévoilés le 30 avril 2021, en présence d'Olivier Véran, ministre de la Santé (vidéo ci-contre). Plus de 1 000 d'entre eux ont été interrogés pour dresser un panorama de la situation en entreprise sur différents sujets tels que la perception des maladies psychiques, le rôle du dirigeant dans l'accompagnement des salariés, les ressources à disposition de l'employeur pour favoriser le bien-être ainsi que les besoins exprimés. Largement abordée par les professionnels de santé et les pouvoirs publics depuis le début de la pandémie, la santé mentale n'a, semble-t-il, pas encore percé les murs de l'entreprise...
Un vrai paradoxe
Pour 59 % des salariés interrogés, offrir un lieu de travail propice au bien-être est la deuxième responsabilité qui incombe à l'employeur, derrière la gestion financière et économique de l'entreprise et devant l'organisation du fonctionnement interne. « Prendre soin de ses collaborateurs ? Une préoccupation à la fois humaine et économique », indique Laurent Pietraszewski, secrétaire d'Etat chargé des retraites et de la santé au travail, la considérant comme « une action gagnante-gagnante ». Pourtant, moins d'un tiers des entreprises mettent en place des actions en ce sens, principalement celles de 250 salariés et plus (40 %). Principaux dispositifs déployés ? Une ligne téléphonique d'urgence (42 %), de la documentation dédié (38 %) ou encore des formations de secourisme en santé mentale, des psychologues d'entreprise, des ateliers de sophrologie, méditation, sport, nutrition, etc.
Un sujet tabou en France…
« En France, le sujet demeure tabou donc les salariés sollicitent peu l'aide des psychologues », regrette Stéphane Roussel, président du réseau Les entreprises pour la Cité et directeur général de Vivendi. « Consulter un psy n'est pas une honte ! Nous sommes tous fragiles, tous concernés », rappelle Didier Meillerand, fondateur du Psychodon. « Quand j'ai mal aux dents, je vais chez le dentiste, quand j'ai des problèmes oculaires, je vais chez l'ophtalmo, quand je ne me sens pas bien dans ma tête, je vais chez le psy, c'est simple », vulgarise-t-il, tandis qu'Olivier Véran conseille de « s'appuyer davantage sur ces professionnels de qualité ». Or, face au manque de lieux d'accueil de prise en charge psychologique, Stéphane Roussel estime que l'entreprise a son rôle à jouer pour devenir « le lieu propice où traiter ce sujet ».
… mais des intérêts croissants
Ce sujet considéré comme « honteux, porté par la culpabilité et plutôt maltraité, est assimilé, à tort, à un sentiment de faiblesse par de nombreux travailleurs », déplore, de son côté, Luc Balleroy, fondateur d'Opinion Way. En effet, 58 % des sondés révèlent qu'ils ne communiqueraient pas leur maladie à leur employeur s'ils étaient concernés. En cause, notamment ? Plus de sept salariés sur dix pensent que leur manager serait gêné en le découvrant. « Le risque psychologique est l'enfermement, poursuit Luc Balleroy. Pour en sortir, les entreprises doivent montrer qu'elles ont la capacité d'écouter. » Pour ce faire, selon Laurent Pietraszewski, il est impératif de « former les managers à cette nouvelle exigence d'accompagnement, de proximité que réclament les collaborateurs ». Par ailleurs, seul un quart des répondants s'estiment suffisamment informés sur les maladies mentales et 22 % seraient prêts à réagir face à une « attaque panique ou une crise suicidaire de l'un de leurs collègues ». Mais les deux tiers sont intéressés à l'idée d'en apprendre davantage sur le sujet, notamment via des témoignages de chefs d'entreprises engagés ou de personnes concernées. « La sensibilisation et l'information sont absolument essentielles pour répondre à cet enjeu en entreprise », martèle Didier Meillerand... mais pas seulement.
(in)former pour libérer la parole
« Que cela soit au sein des murs de l'entreprise ou en dehors, les maladies psychiques font peur », constate Philippe d'Ornano, président du groupe Sisley et du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (Meti), qui appelle à une « mobilisation urgente et générale », de l'entreprise mais aussi des familles et de l'Education nationale. « Ce n'est pas seulement en emploi qu'il faut destigmatiser les maladies mentales, il faut commencer dès l'école ! », exhorte-t-il. Face à ce constat, Olivier Véran entend mettre l'accent sur le repérage, le dépistage, l'accompagnement, l'information, la prévention et l'éducation. « Il faut qu'on apprenne davantage aux jeunes ce qu'est la santé mentale, concède-t-il. Si cela reste un sujet que l'on maîtrise mal, les connaissances s'améliorent année après année ; les origines génétiques sont de plus en plus connues, la responsabilité parentale mise à l'écart, même si l'environnement dans lequel on a grandi a forcément un impact... »
Crise Covid : déclencheur de prise de conscience
Alors que la crise sanitaire sans précédent a agi « comme un accélérateur de la détresse psychologique des salariés et du sentiment d'isolement des managers », selon Didier Meillerand, elle a également permis une prise de conscience sur cet enjeu majeur. En effet, 72 % des répondants considèrent que la situation actuelle contribuera à accorder une place plus importante à la santé mentale au sein des entreprises, à l'avenir. « Considérer la santé mentale en entreprise, c'est estimer qu'elle représente un vecteur de performance, de déploiement à la fois social et économique », poursuit Didier Meillerand. Il donne rendez-vous le 12 juin 2021 à l'Olympia pour célébrer la grande fête de la santé mentale, en compagnie de nombreux artistes tels que Yannick Noah, Kendji Girac ou encore Dadju.