70 % des personnes interrogées ne parlent pas ou difficilement de la sclérose en plaque avec le proche qui en est atteint. De leur côté, les patients ne semblent pas plus à l'aise puisque 50 % d'entre eux ont du mal à évoquer leur maladie. Une enquête (Ifop pour Biogen) a été menée (sur 700 personnes connaissant au moins un proche atteint de SEP) sur ses incidences relationnelles ; elle révèle un vrai tabou sur cette pathologie qui touche 112 000 Français, première cause de handicap chez le jeune adulte, et met en lumière la difficile perception pour les proches des symptômes « invisibles ». Ces derniers sont d'ailleurs le thème choisi pour l'édition 2019 de la journée mondiale dédiée à cette pathologie neurologique, le 30 mai.
Dialogue difficile
Pas facile, donc, de communiquer ? Seuls 43% des interrogés estiment ainsi que la personne parvient facilement à parler de sa maladie (dont 8% très facilement). 36% en parlent « difficilement » et 21% évoquent même une attitude mutique à ce sujet. « Quand ça ne se voit pas, on n'en parle pas, explique Alexandrine Briand, diagnostiquée à l'âge de 20 ans. J'ai même hésité à l'annoncer à mes parents et, après l'annonce, certains proches ont fait comme si la maladie n'existait pas. » Idem dans la sphère professionnelle, selon elle : « On ne demande la RQTH et on en parle à l'employeur que lorsqu'on n'a plus le choix parce que ça se voit. Mais, ensuite, le dialogue a été rendu possible par ma capacité à m'exprimer facilement », poursuit cette ex avocate dont les troubles « agressifs » n'ont, malgré tout, pas permis de poursuivre dans cette voie. « Il n'y a parfois qu'une seule poussée, et les patients n'ont, de ce fait, pas envie de l'évoquer », complète Guillaume Molinier, directeur de la Ligue française contre la SEP.
Mieux armés pour accompagner
« Il ressort de cette enquête que l'entourage aimerait être mieux armé pour accompagner les patients », explique Fabienne Gomant, directrice adjointe opinion et stratégies d'entreprise à l'Ifop. Plus d'un répondant sur deux constate que l'entourage change d'attitude après l'annonce de la maladie faisant preuve de plus de bienveillance (49%), de compassion (37%) ou une tendance à la « prise en charge » de la personne atteinte dans le quotidien (33%). Dans une moindre mesure, des comportements plus négatifs sont aussi observés : une prise de distance (22%) ou une tendance à déposséder la personne malade de sa capacité de décision ou de choix (13%). Dans l'entourage des personnes atteintes de sclérose en plaques, 52% des sondés indiquent que cette personne ne leur demande jamais d'aide pour accomplir les tâches du quotidien. Ils ne sont d'ailleurs que 4% à déclarer que ce dernier sollicite l'entourage fréquemment...
Des symptômes invisibles
Quels sont les impacts les plus difficiles à vivre ? Les difficultés à se déplacer (70 %), loin devant la fatigue (39 %) ou les troubles de l'équilibre (35 %). Le stress et l'anxiété sont aussi identifiés comme difficiles (17 %), mais les autres symptômes tels que la baisse de la vue, les difficultés de concentration, les tremblements, les troubles de l'élocution ou encore les pertes de mémoire ont été cités par moins d'une personne interviewée sur dix. Pourtant, près de trois personnes sur dix indiquent que la personne atteinte de SEP a déjà évoqué avec eux d'autres incommodités tels que les troubles sensitifs (51%) mais aussi ceux du sommeil (34%), urinaires (29%) et, dans une moindre mesure, les difficultés sexuelles (10%). « Les gênes occasionnées par la sclérose en plaques sont plus nombreuses que les seuls troubles de la motricité, mais cela ne se sait pas toujours », explique le Pr Alain Créange, neurologue, président du conseil scientifique du réseau Sindefi-SEP. Depuis le premier traitement mis en place en 1995, le paysage a évolué et, selon le Pr Créange, « les poussées avec aggravation neurologique sont de moins en moins fréquentes et, grâce aux traitements qui ont bouleversé le quotidien des patients, on reste dans des situations à 30 ans avec des symptômes invisibles ou pas de symptômes du tout ». Or ces symptômes dits invisibles sont parfois mal compris, avec une incidence sur les relations avec l'entourage, par méconnaissance de la maladie. « Nous recommandons aux patients de parler de leur maladie et si possible de tous leurs symptômes. Cela peut permettre de dénouer certaines situations », poursuit le professeur.
Une approche globale
Des Centres de ressources et de compétences SEP (CRC-SEP) et réseaux de soins ont vu le jour qui réunissent tous les acteurs impliqués : médecins, y compris du travail, psy, kiné, MDPH… On en trouve aujourd'hui dans chaque région proposant des accueils de proximité. « Cette prise en charge unique a fait son chemin pour d'autres maladies comme le cancer », se félicite le Pr Créange, qui défend une approche globale. Le traitement de la SEP n'est pas uniquement médicamenteux et la notion d'éducation thérapeutique est capitale, accompagné, s'il le faut, pas un patient expert, comme a choisi de le devenir Alexandrine Briand. « Je suis restée quatre ans dans le déni et à chaque poussée je me prenais la porte en pleine tête », explique la jeune femme aujourd'hui âgée de 32 ans. Ce parcours l'a donc amenée à devenir patiente experte, c'est à dire un malade chronique comme les autres qui désire aller plus loin dans l'analyse de son expérience, formaliser ses apprentissages et en faire bénéficier la collectivité.
Des « maisons » pour s'informer
Pour les aider à lutter contre le tabou qui semble entourer la maladie, sept personnes interviewées sur dix jugeraient utile de pouvoir disposer d'informations complémentaires ou de témoignages d'autres patients. C'est, en partie, avec cet objectif qu'ont été mises en places les Maisons de la SEP (en lien ci-dessous) dont c'est, en 2019, la 11ème édition. Ces espaces éphémères permettent un vrai temps d'échange sur une journée ; ils ont connu un nouvel élan en 2019 avec 14 villes couvertes (du 18 mai au 7 juin - encore trois villes à ce jour : le 6 à Lille et le 7 à Rennes et Marseille), contre 7 les années précédentes. Ateliers, rencontres, conférences et débats permettent d'évoquer librement les problématiques quotidiennes. 149 manifestations au total et 2 000 patients attendus !
Cléo, une appli personnalisée
Cléo, une application mondiale personnalisée pour mieux vivre avec la sclérose en plaques a par ailleurs vu le jour à l'initiative de Biogen (téléchargement gratuit pour IPhone et Android ou sur cleo-app.fr). Cette « compagne du quotidien » permet, notamment, de discuter en ligne avec une infirmière pour obtenir des réponses concrètes, et propose des informations, vidéos et conseils pour mieux vivre sa SEP, également un journal de bord pour suivre les évolutions des données de santé du patient et avoir la possibilité de les partager avec son médecin. Enfin, elle suggère des programmes bien-être (sophrologie, yoga, méditation…) et du coaching adapté élaboré par des professionnels de santé. C'est le credo de la Ligue française contre la SEP qui, « au-delà de sa démarche scientifique, entend proposer des activités qui permettent de mieux vivre au quotidien », selon Guillaume Molinier. « Le médicament est important au quotidien mais il y d'autres ressources pour lutter, notamment, contre la fatigue », conclut-il.