Les Dragon pink ladies ont ramé pour retrouver la santé. Leur médecin, grand fan de canoë, imagine une expérience étonnante. Après avoir réuni 24 patientes en rémission d'un cancer du sein, il les équipe de tee-shirt roses, de rames et les envoie pagayer plusieurs fois par semaine. Si l'expérience est loin de faire l'unanimité auprès de ses confrères, elle lui donne pourtant raison puisqu'il constate au bout de plusieurs mois des effets très positifs : réduction de la fatigue, renforcement musculaire, amélioration de la qualité de vie et diminution du risque de récidive. C'est l'exemple qu'a choisi l'Inserm dans une courte vidéo (ci-contre) pour affirmer qu'activité physique et cancer font bon ménage. Mais ce bénéfice est également reconnu pour d'autres maladies chroniques : AVC, dépression, diabète, cancer, arthrose… La liste est longue. Si dans de nombreuses pathologies, le repos a longtemps été la règle, on assiste aujourd'hui à un véritable changement de paradigme…
OMS sonne l'alerte
Selon l'OMS, ces maladies chroniques sont la première cause de mortalité mondiale et, en Europe, elles « concourent à près de 86 % des décès (…) et pèsent de plus en plus lourdement sur les systèmes de santé, le développement économique et le bien-être d'une grande partie de la population, en particulier chez les personnes âgées de 50 ans et plus ». Un Français sur quatre en souffre, trois sur quatre après 65 ans. Une part qui, avec l'allongement de l'espérance de vie, devrait encore grimper. Or les maladies chroniques et leurs complications contribuent très fortement à l'état de dépendance. Dans notre pays, les estimations actuelles des coûts directs (75 %) et indirects (25 %) de l'inactivité physique sont de l'ordre d'1,3 milliard d'euros.
Une expertise attendue
Face à cet enjeu de taille, l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) a donc été sollicité par le ministère des Sports pour réaliser une expertise sur l'impact de l'activité physique en cas de maladie chronique et sa place dans le parcours de soin (en lien ci-dessous). 824 pages au total ! Cette étude porte principalement sur les pathologies cardiovasculaires, les cancers, le diabète et les pathologies respiratoires chroniques, l'obésité. Mais concerne également certaines maladies mentales (dépression, schizophrénie), ainsi que les troubles musculosquelettiques (TMS) et la multimorbidité. « Le premier enjeu n'est pas tant de savoir si on doit recommander une pratique régulière d'activité physique adaptée aux personnes atteintes d'une maladie chronique -il n'y a plus aucun doute sur cette nécessité- mais de déterminer les caractéristiques des programmes les plus efficients », commente l'Inserm. L'objectif ? Obtenir un maximum de bénéfices avec un minimum de risques : quand commencer un programme, quelle pratique, quelle intensité, quelle fréquence, dans quel cadre, avec quelle forme d'intervention ? Après analyse, elle fait des recommandations très pratiques et dit un grand oui à la prescription d'activité physique pour toutes les maladies chroniques étudiées et leur intégration dans le parcours de soin. Non seulement elle ne l'aggrave mais ses effets s'avèrent bénéfiques, a fortiori si elle est introduite rapidement après le diagnostic.
Quelles pathologies concernées ?
Les experts assurent qu'elle fait « partie intégrante » du traitement ! Ils vont même jusqu'à la plébisciter « avant même tout traitement médicamenteux » pour la dépression légère à modérée, le diabète de type 2, l'obésité et l'artériopathie oblitérante des membres inférieurs. Ils préconisent un minimum de trois séances par semaine. Quelques exemples ? Renforcement musculaire pour les diabètes de type 2, marche en cas d'artériopathie, réentraînement à l'effort en cas d'insuffisance cardiaque ou encore activité régulière intégrant la pratique des gestes journaliers en cas d'AVC… A chaque pathologie ses recommandations et son planning, en les adaptant, évidemment, aux caractéristiques individuelles et médicales des patients.
Ce projet doit intégrer l'ensemble de la trajectoire du patient, dès le début des soins jusqu'à son retour à domicile avec une pratique possible à proximité de son lieu de vie, l'idée étant de lui permettre « d'adopter une position active » et de pérenniser sur le long terme.
Des pratiques ludiques et motivantes
Pour les publics présentant des caractéristiques connues pour limiter ou compromettre l'adhésion et le maintien à long terme de l'activité physique (patients âgés, faible niveau socio-économique, précarité sociale…) ou ayant peu de vécu dans ce domaine, le groupe d'experts préconise un cycle éducatif de plusieurs mois en activité physique adaptée encadré par des professionnels. Afin que chacun puisse en faire l'expérience, concrètement ! Toutes les pratiques sont visées mais, pour être efficaces, elles doivent être de préférence « ludiques et motivantes » selon l'Inserm. Le principal moteur sur le long terme ? Plaisir et intérêt, aussi bien pour la santé physique que le bien-être mental. Mais les patients peuvent également être « motivés par l'image de soi positive que leur renvoie le fait de pratiquer » tandis que le « fait de devoir se prendre en main pour faire face à sa pathologie est vécu par certains comme une responsabilité ou un devoir ».
Sport sur prescription médicale
Mais comment consolider cet engagement ? En impliquant les médecins. C'est ainsi que le concept de « sport sur ordonnance » a fait son apparition dans le paysage législatif, sportif et médical. Un site dédié sport-ordonnance.fr a même vu le jour. Le 30 décembre 2016, l'Assemblée nationale vote en effet un décret précisant les conditions de dispensation d'une activité physique adaptée à certains patients (article en lien ci-dessous) qui vient consolider le plan national « sport santé bien-être ». Selon l'article 144 de la Loi de santé publique et les outils qui l'accompagnent, elle peut se faire, désormais, sur ordonnance. Certains acteurs privés, mutuelles et collectivités locales proposent déjà des remboursements. Enfin, il convient que les intervenants en activité physique adaptée aient été formés pour mettre en place des programmes et séances conformes.
De son côté, en octobre 2018, la Haute autorité de santé (HAS) dévoilait un guide pour accompagner les praticiens dans cette démarche… musclée (article en lien ci-dessous) !
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