Guillaume Canaud : 1 - PIK3CA : 0. Ce professeur, néphrologue, se bat depuis des années contre la mutation de ce gène qui régule la prolifération et la croissance des cellules, responsable notamment des syndromes d'hypercroissance dysharmonieuse, communément assimilés à « Elephant man » (article en lien ci-dessous). Ces maladies rares se manifestent par une asymétrie pouvant toucher n'importe quelle partie du corps (graisse, vaisseaux, muscles, os…), y compris le cerveau, impactant de plein fouet la vie sociale, scolaire et professionnelle des personnes concernées. L'Alpelisib, récemment autorisé pour traiter certaines formes de cancer du sein, pourrait-il changer la donne ? Dans une nouvelle étude dévoilée en janvier 2022, le Pr Canaud et son équipe rapportent les « résultats encourageants » de ce traitement administré à deux nourrissons présentant une variété de symptômes sévères.
Des améliorations considérables
Agée de huit mois au début du traitement, la fillette voyait son pronostic vital engagé, tandis que le garçon de neuf mois présentait un pronostic neurologique grave ne répondant pas aux antiépileptiques classiques. Cela se manifestait par des malformations extrêmes des vaisseaux sanguins, une anémie, une croissance excessive asymétrique des membres et des doigts, ainsi que, dans le cas du garçon, d'un hémisphère cérébral, associée à des crises d'épilepsie. A raison de 25 mg de dose orale quotidienne d'Alpelisib durant un an, l'anémie s'est corrigée chez les deux patients, de même que la cassure de leur courbe de croissance staturo-pondérale (lorsque le poids ou la taille sortent de la courbe indiquant la « norme »). Autre réussite : les spasmes épileptiques du garçon ont cessé, et les malformations vasculaires de la fille ont considérablement diminué, lui permettant même de marcher, avec de l'aide. Par ailleurs, aucun effet indésirable lié au traitement n'a été signalé. Des conclusions prometteuses car, si cet inhibiteur de PIK3CA avait déjà fait ses preuves sur des modèles animaux puis chez un petit nombre de patients adultes et enfants, il n'existait encore aucune donnée sur son efficacité chez les nourrissons.
Les bénéfices d'une administration précoce
Selon Guillaume Canaud, « la grande efficacité observée est peut-être liée à l'introduction précoce de l'Alpelisib ». « Les deux enfants étaient naïfs de toute chirurgie, or nous savons que les remaniements induits par un geste chirurgical peuvent modifier la bonne pénétration de ce médicament dans les tissus. Par ailleurs, il est très probable que la plasticité des tissus à cet âge permette une meilleure efficacité du traitement », explique le professeur. Il tient cependant à nuancer : « Ces résultats doivent être interprétés avec prudence et devront être confirmés dans le temps et par le biais de nouveaux suivis ». Pour l'heure, ce médicament, qui faisait déjà l'objet d'essais cliniques pour des adultes et des enfants de 6 ans et plus, pourrait bénéficier d'une extension d'autorisation pour traiter en clinique les formes graves néonatales.
A noter que le traitement par Alpelisib de ces nourrissons entre dans le cadre d'un « protocole d'utilisation compassionnel », c'est-à-dire une autorisation exceptionnelle délivrée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé permettant de traiter des patients souffrant de maladies avec un pronostic grave et sans traitement approprié, dans une indication thérapeutique donnée.
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