Interroger le validisme et ses origines, c'est le défi ambitieux que s'est lancé Pierre Vatel. Il le fait au travers d'une « conférence gesticulée » d'une heure vingt, au titre évocateur : « Tout dévalider ».
Un format hybride
Tétraplégique et éducateur spécialisé de métier, Pierre côtoie depuis longtemps le handicap, dans toutes les sphères de sa vie. De son vécu et de ses rencontres naissent des observations et des interrogations sur le handicap et la société. Puis émerge l'idée d'une conférence gesticulée, ce format hybride à mi-chemin entre la conférence classique et la performance théâtrale. Le conférencier la définit comme le « partage d'un savoir académique et d'un vécu, d'un témoignage ». Cet objet scénique vise à rendre le propos « concernant » pour le public, en l'engageant émotionnellement dans le message.
Questionner l'image du handicap
« Tout dévalider », engagée et militante, s'articule autour d'une notion : « L'intime est politique ». Ainsi, Pierre puise son inspiration dans son quotidien, ses rencontres et ses émotions. « Je m'interroge sur mon rapport au handicap, sur mon image en tant que personne en situation de handicap. Je pars du principe que le validisme vient d'un ensemble de choses construites en amont, et il faut les identifier pour atteindre le cœur du sujet. »
Repenser notre place dans le collectif
En abordant un panel de sujets, allant de l'emploi à l'accessibilité en passant par la vie autonome, il invite finalement à réenvisager « l'organisation et la structure de la société », à l'origine de la majorité des discriminations. « Adopter ce point de vue, c'est aussi sortir de l'individuel. Les conséquences du handicap, ce sont les choix de gestion de la société qui les déterminent. Les difficultés ne m'appartiennent pas. Cette prise de conscience m'a aidé à accepter mon handicap. Et ce nouveau regard invite à repenser notre place dans le collectif. »
Une conférence en constante évolution
Cette conférence a pris le temps d'éclore. Depuis sa création en 2023, « Tout dévalider » a été remodelée plusieurs fois, au fil de ses rencontres et de ses apprentissages. « À l'époque, je ne connaissais même pas le terme de validisme ! », s'exclame Pierre. Son propos s'est enrichi au fil de ses lectures : anthropologues, poètes, biologistes, activistes... Pour faire « circuler du vent », selon ses propres mots : « Beaucoup ont parlé de ces sujets avant moi. Mon discours, c'est un condensé et une appropriation de toutes ces ressources, de ces discussions et de ces réflexions. ».
S'adresser aux plus jeunes
Aujourd'hui, sa conférence gesticulée est aboutie et a été jouée plusieurs fois dans des théâtres, des instituts de formation et des cafés. Ce n'est qu'un début : Pierre travaille à la conception d'une scénographie plus poussée, afin d'offrir à sa prestation son propre univers graphique.
En parallèle, il voudrait élargir son public, en s'adressant aux enfants et aux adolescents. « J'ai le sentiment qu'ils donnent plus de place à la remise en question, qu'ils sont moins figés dans leurs représentations des autres », explique-t-il. Prochaine étape, donc, revoir la forme du message pour les atteindre, et ainsi sensibiliser les générations futures au handicap sous toutes ses dimensions.
© Pierre Vatel