Trisomie 21: traitement prometteur pour booster la cognition

Des chercheurs français ont mis au point une thérapie qui améliore les fonctions cognitives des personnes avec trisomie 21, via l'injection pulsatile de GnRH, hormone clé de la reproduction et de la cognition. A quand sa commercialisation ?

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Bientôt une nouvelle thérapie pour améliorer les fonctions cognitives des personnes avec trisomie 21 ? C'est le pari lancé par des chercheurs de l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale)*. Celle que l'on appelle également syndrome de Down touche environ une naissance sur 800 en France, se traduisant par un éventail de manifestations cliniques, parmi lesquels un déclin des capacités cognitives mais aussi une perte progressive de l'olfaction, typique des maladies neurodégénératives, à partir de la période prépubère. En cause ? Un déficit de GnRH, hormone clé de la reproduction chez tous les mammifères. Après avoir mis en évidence son rôle dans d'autres systèmes du cerveau, comme la cognition, les chercheurs français ont proposé à des adultes avec trisomie 21 de recevoir une dose quotidienne de GnRH. Les résultats de cette étude pilote ont été publiés dans la revue Science.

Une injection toutes les 2h durant 6 mois

Avant de faire ses preuves sur l'Homme, la thérapie a été testée sur des souris. Au bout de quinze jours, ces souris trisomiques présentaient des fonctions olfactives et cognitives « restaurées ». L'étape suivante pouvait alors démarrer ! Sept hommes avec trisomie 21, âgés de 20 à 50 ans, ont reçu, durant six mois, une injection pulsatile (rythmées par les contractions cardiaques) de GnRH toutes les deux heures en sous-cutané via une pompe, similaire à un pansement adhésif, placée sur le bras. « Il s'agit du même réservoir que la pompe à insuline utilisée pour les personnes diabétiques », décrit Nelly Pitteloud, professeure à la faculté de biologie et médecine de l'Université de Lausanne (Suisse) et cheffe du service d'endocrinologie, diabétologie et métabolisme du Centre hospitalier universitaire vaudois, qui a participé à l'étude. Pour évaluer son impact, des tests de la cognition et de l'odorat, ainsi que des examens IRM, ont été réalisés avant et après le traitement. L'étude neuropsychologique, à savoir le test MoCA (pour Montreal cognitive assessment), « permet d'obtenir une image de la fonction cognitive en un temps relativement court (20 à 30 min), réalisable chez une population avec un quotient intellectuel diminué par rapport à la population générale », précise Mme Pitteloud.

Amélioration de l'attention, de la mémoire...

D'un point de vue clinique, les performances cognitives ont augmenté chez six patients : meilleure représentation tridimensionnelle (fonction visio-spatiale) et compréhension des consignes, amélioration du raisonnement, de l'attention et de la mémoire épisodique. Un exemple ? Une personne qui peinait à reproduire le schéma d'un cube en 3D avant le début du traitement, est parvenu à dessiner correctement un lit à l'issue. « Ces données suggèrent que le traitement agit sur le cerveau en renforçant notamment la communication entre certaines régions du cortex », explique l'Inserm. En revanche, il « n'a pas eu d'impact sur les capacités olfactives » de l'Homme contrairement à celles de la souris, déplorent les chercheurs. Cette thérapie est toutefois « prometteuse », selon eux, d'autant qu'elle n'entraînerait « aucun effet secondaire notable ». Les résultats de l'étude sont aussi salués par des experts indépendants. La qualifiant de « tour de force », Fabian Fernandez, spécialiste de la cognition et la trisomie 21 à l'université d'Arizona (Etats-Unis), a jugé ses résultats « irréprochables ». Les chercheurs français incitent tout de même à les considérers « avec une très grande prudence », sachant que l'étude portait sur un petit nombre de patients, exclusivement masculins.  Ils reconnaissent d'autres biais, comme la présence de personnes déjà très stimulées par leurs parents. 

Lancement d'une vaste étude à l'automne

Une étude randomisée doit donc débuter à l'automne 2022, avec 50 à 60 personnes, afin de confirmer l'efficacité de ce traitement pour les personnes vivant avec une trisomie 21 mais aussi d'autres pathologies neurodégénératives telles que la maladie d'Alzheimer. « Sachant que 75 % des jeunes avec trisomie 21 développent une démence autour de 65 ans et que 100 % des patients décédés ont des caractéristiques neuropathologiques de la maladie d'Alzheimer », complète Vincent Prevot, directeur de recherche Inserm, qui entend mettre en lumière cet enjeu majeur. Cette étude doit également inclure un tiers de femmes qui ne devront pas être sous contraception -l'hormone GnRH régulant la reproduction- ni souhaiter tomber enceintes. « On ne va pas guérir les troubles de cognition des personnes porteuses de trisomie 21 mais, dans nos résultats, l'amélioration semble déjà assez essentielle pour espérer augmenter leur qualité de vie », s'est réjouie Nelly Pitteloud. Une administration précoce du traitement pourrait-elle favoriser son efficacité ? « C'est une question pertinente que l'on se posera dans un second temps. Mais pas cet automne », répond-elle. Si le traitement sur six mois coûte, pour l'heure, environ 15 000 euros, selon elle, « son prix devrait baisser assez rapidement car la GnRH est une hormone facile à synthétiser ». « Assez similaire, une pompe à insuline coûte de 3 000 à 4 000 euros », ajoute la scientifique à titre de comparaison. « Cette vaste étude devrait durer deux ou trois ans. Une commercialisation assez rapide est ensuite espérée », indique Nelly Pitteloud.

* au sein du laboratoire Lille neuroscience & cognition et le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV, Lausanne)

© 2022 CHUV Eric Deroze

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"
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