Handicap : protocole trop rigide, vacances menacées?

Quelles options de vacances en séjours adaptés cet été ? Le protocole sanitaire faisant planer une ombre sur le répit estival, des associations militent pour son assouplissement. Y parviendront-elles à temps ? Réponses de Dominique Gillot*.

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* Dominique Gillot, ancienne présidente du Cncph (Conseil national consultatif des personnes handicapées) et présidente de la Fédération générale des pupilles de l'enseignement public (Fédération générale des PEP).

Handicap.fr : Une menace pèse-elle sur les vacances adaptées dédiées aux personnes handicapées ?
Dominique Gillot : La question des vacances est arrivée rapidement car, durant le confinement, tous les organisateurs de séjours adaptés avaient renoncé, à cause de la situation sanitaire trop contraignante. Cela a suscité pas mal d'émoi parmi les associations du champ du handicap. Après de longues discussions avec l'administration, le 3 juin, des consignes sanitaires ont été publiées. L'idée étant de permettre aux personnes handicapées de bénéficier de séjours de vacances avec un soutien particulier de l'Ars (Agence régionale de santé), des établissements médico-sociaux et des organismes gestionnaires de vacances ordinaires. Un groupe de travail a été d'ailleurs mis en place autour de Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap. Nos interventions auprès des services de l'Education nationale ont porté leurs fruits et, après la déclaration du président de la République le 14 juin qui a permis d'acter un relatif assouplissement, nous attendons la conférence de presse du Premier Ministre le 19 juin qui devrait concrètement préciser tout cela.

H.fr : Certaines consignes demeurent néanmoins trop contraignantes et vous revendiquez donc davantage d'assouplissements ?
DG : Oui, notamment en permettant une capacité d'accueil plus importante, la réduction des délais de déclaration de séjours, plus de discernement dans les contrôles administratifs ou encore l'alignement des consignes sanitaires sur les mêmes règles que le droit commun, tout en restant très attentif à la protection des personnes les plus vulnérables. Il y a une très forte demande que nous continuons à relayer auprès du Premier ministre et de la secrétaire d'Etat.

H.fr : Avez-vous bon espoir dans les quinze prochains jours ?
DG : Nous n'avons en effet pas beaucoup de temps devant nous. Les choses seront difficiles pour la première semaine de juillet mais, avec de la volonté, et à l'heure où des décisions politiques et réglementaires ont pu être prises dans des temps records, une offre adaptée devrait voir le jour rapidement. Le Collectif handicaps est lui aussi en train de se mobiliser en ce sens.

H.fr : Votre fédération demande également une participation de l'Etat afin que les surcoûts des séjours liés au protocole ne soient pas à la charge des familles et des organisateurs, déjà lourdement touchés par la crise. Vous pensez à quoi ?
DG : Le nettoyage deux ou trois fois par jour des lieux et des matériels, la mise à disposition de masques et de gels ou encore la réduction du nombre de participants, entraînent un surcoût qui ne peut évidemment pas être reporté sur les familles. Dans la circulaire du 3 juin, il est indiqué qu'il serait assumé par les Ars sur leurs fonds disponibles. Mais ce dispositif n'est pas ouvert au milieu ordinaire qui ferait un effort de partenariat avec le médico-social. Nous appelons donc l'Etat à l'aide. En attendant, des organisateurs de séjours nous disent que si ce surcoût est trop important, ils prendront la décision de ne pas ouvrir plutôt que d'accumuler les déficits.

H.fr : Le gouvernement a, par ailleurs, affirmé sa volonté de soutenir 250 000 séjours enfants durant l'été…
DG : Oui, avec l'objectif que ceux qui ont souffert du confinement, dans des conditions pas toujours favorables à leur épanouissement, voire même propices à de mauvais traitements, puissent reprendre confiance dans la vie en collectivité. La Fédération générale des PEP est à l'œuvre pour que l'ensemble de nos centres de vacances et organismes gestionnaires adhèrent au programme "Vacances apprenantes" (article en lien ci-dessous) qui va faire l'objet d'une labellisation. Nous recensons tous les lieux d'accueil possibles, notamment pour les enfants en situation de handicap, en lien avec les associations gestionnaires d'établissements médico-sociaux.

H.fr : Pourquoi votre fédération s'implique-t-elle sur cette question ?
DG : Nous sommes l'un des premiers opérateurs de colonies de vacances avec plus de 20 000 enfants accompagnés chaque année. Nous avons rapidement fait part de l'ouverture du réseau PEP à l'accueil d'enfants et adultes handicapés et étions disposés à aller plus loin, ce qui a eu le mérite d'ouvrir des places mais aussi de rassurer les acteurs. L'Ars Nouvelle-Aquitaine, par exemple, a envoyé une circulaire la semaine dernière à l'ensemble des établissements en les enjoignant de rester ouverts durant la période de vacances avec une autre forme de gestion pour devenir des lieux de vacances.

H.fr : En proposant quels types d'activités, et avec le personnel suffisant en l'absence des enseignants de l'Education nationale ?
DG : Oui, ce seront des vacances ! Le challenge, c'est d'arriver à constituer des équipes partenaires suffisamment aguerries et volontaires.

H.fr : Durant le confinement, le médico-social a été obligé de repenser, voire de réinventer, certaines organisations et modes d'accompagnement, cela va donc se poursuivre cet été...
DG : Oui. De nouvelles pratiques ont vu le jour pour permettre la poursuite d'activités d'accompagnement des personnes confinées à domicile. Cela a créé une réflexion intense sur la relation entre les professionnels, les bénéficiaires et les aidants. L'idée, c'est de capitaliser sur cette expérience qui a porté ses fruits pour continuer d'offrir aux personnes des manières de vivre qui se rapprochent de plus en plus des règles de droit commun.

H.fr : En dépit des efforts déployés, y aura-t-il moins d'offres de séjours que les années précédentes ?
DG : Oui, manifestement. APF Evasion a annoncé l'annulation de mille séjours. Depuis, les conditions assouplies ont permis d'en reprogrammer certains. VAO, organisateur de séjours "bien entourés", avait, quant à lui, annulé toutes ses offres. C'est pourquoi nous avons aujourd'hui la volonté d'aller plus loin, d'autant que les proches aidants, pour certains épuisés après deux mois de confinement, sont très demandeurs.

H.fr : Il n'y en aura pas pour tout le monde. L'été s'annonce encore éprouvant pour certains…
DG : C'est à craindre, d'où notre mobilisation. Certaines familles, déjà sur-sollicitées depuis trois mois, voient ces vacances arriver avec beaucoup de craintes. D'autant que certains usagers ont eu un déficit de soins et de stimulation durant le confinement et requièrent un accompagnement plus intensif. D'ailleurs, dans les Communautés 360 qui se mettent en place, plusieurs projets s'appuient sur la continuité et l'accélération des soins en rééducation, comme dans les Alpes-Maritimes notamment.

H.fr : Dans la perspective des vacances, les parents peuvent donc solliciter cette nouvelle plateforme d'appui mise en place dans le cadre de la crise (article en lien ci-dessous) ?
DG : Via le n° unique, le 800 360 360 qui est opérationnel pour toute demande de répit. Il appartiendra aux Communautés 360 de trouver des réponses rapides, dans le milieu ordinaire, à proximité du lieu de vie.

H.fr : Ce dispositif expérimental ne couvre que 24 départements. Et pour les autres ?
DG : C'est une démarche progressive qui devrait s'accélérer.

H.fr : Mais, en attendant, pour cet été ?
DG : Les proches devront solliciter les recours habituels : les Mdph, leur établissement de référence ou les associations...

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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