"Le docteur Sanchez du CHU de Reims vient d'annoncer", le 10 mai 2019, "à la famille de Vincent Lambert qu'il mettrait sa décision du 9 avril 2018 à exécution la semaine du 20 mai 2019, sans autre précision", ont indiqué à l'AFP les avocats Jean Paillot et Jérôme Triomphe.
Procédure collégiale
Le 24 avril, le Conseil d'État a conclu qu'étaient "réunies les différentes conditions pour que la décision d'arrêter la nutrition et l'hydratation artificielles de M. Vincent Lambert puisse être mise en oeuvre", a écrit le Dr Sanchez dans un courrier adressé à la famille Lambert et dont l'AFP a obtenu copie. Ainsi, "je vous informe que l'arrêt des traitements et la sédation profonde et continue évoquée lors de la procédure collégiale seront initiés au cours de la semaine du 20 mai", a-t-il ajouté. Ancien infirmier psychiatrique, Vincent Lambert se trouve depuis plus de dix ans en état végétatif au CHU de Reims à la suite d'un accident de la route survenu en septembre 2008, quand il avait 32 ans. Les décisions sur un arrêt des soins n'ont jamais été mises en oeuvre, freinées par de multiples imbroglios et recours juridiques successifs.
Une famille déchirée
L'affaire déchire sa famille depuis six ans : d'un côté, les parents, un demi-frère et une soeur s'opposent à l'arrêt des soins; de l'autre, son épouse Rachel, son neveu François et cinq frères et soeurs du patient dénoncent un acharnement thérapeutique. Le 24 avril, la plus haute juridiction administrative a jugé conforme à la loi la décision collégiale d'arrêt des soins, prise le 9 avril 2018 par le CHU de Reims pour faire cesser un "acharnement thérapeutique" mais contestée par une partie de la famille. En 2014, elle s'était déjà prononcée pour la fin du traitement. Comme l'avait fait le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne (Marne) le 31 janvier, le juge des référés du Conseil d'État a considéré que la poursuite du traitement, "n'ayant d'autre effet que le maintien artificiel de la vie", traduirait "une obstination déraisonnable", clé de voûte de la loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie.
Décision jugée légale
La décision d'arrêter l'alimentation et l'hydratation artificielles de Vincent Lambert et d'assortir la fin de ce traitement d'une sédation profonde et continue est donc légale, selon le Conseil d'État. Suite à cette décision, les parents de Vincent Lambert, catholiques farouchement opposés à l'euthanasie passive, ont déposé un recours devant la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) et le Comité international de protection des droits des personnes handicapées de l'ONU (CIDPH). La CEDH a rejeté cette requête, mais le CIDPH a demandé à la France de suspendre toute décision d'arrêt des soins, dans l'attente d'une instruction sur le fond. La ministre de la Santé Agnès Buzyn a indiqué que la France répondrait à la demande du comité, mais qu'elle n'était pas tenue, légalement, de la respecter.
Un fils mort pour la Fête des mères
Aucune urgence médicale "Il n'y a aucune urgence médicale à arrêter l'alimentation et l'hydratation de Vincent Lambert et rien ne justifie une violation aussi éhontée du droit international et des mesures provisoires réclamées par l'ONU", ont réagi les avocats des parents. Selon eux, "c'est au mépris des mesures provisoires ordonnées par l'ONU (...) au profit de Vincent Lambert, handicapé, vulnérable et sans défense, que le docteur Sanchez a décidé qu'il mourrait dans le couloir de la mort dans lequel il est enfermé à clé depuis des années". Si cette décision était exécutée, "Vincent Lambert mourrait en quelques jours (...) et le docteur Sanchez pourrait remettre à Viviane Lambert un fils mort pour la fête des mères le 26 mai prochain", ont-ils affirmé.
Les avocats en ont appelé au défenseur des droits et au président de la République, Emmanuel Macron, et ont par ailleurs indiqué leur intention de saisir la justice "pour que soit respecté le droit international au profit de Vincent Lambert", sans davantage de précisions à ce stade.