Interview Chantal Laplanche, Responsable Accessibilité Web

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T. N. — Quelle place occupe (ou devrait occuper) l'accessibilité dans la production de contenu Web de votre ministère ?

Ch. L. — Cela devrait être intégré dès la conception, dès le cahier des charges. Malheureusement, peu de sociétés sous-traitantes maîtrisent les standards du Web, sans parler du WAI. Tous sont préoccupés par l'idée de faire pro en mettant des jolies choses genre fondu enchaînés, produits inaccessibles comme le Flash, image map… L'aspect portail leur semble la crême de la crême et le plan du site indenté est inconnu.
Dans les sites de l'administration, l'égalité d'accès aux informations administratives est une obligation de service public. Du fait de cette circulaire du Premier Ministre, on ne peut pas présenter une information avec un habillage totalement dégradé au prétexte que les navigateurs ne respectent pas les standards : l'habillage fait partie de la simplification des documents administratifs.
Le problème se situe, en fait, au niveau de la formation des agents. Tant qu'on leur fait croire qu'on peut savoir faire des feuilles de site sans apprendre le langage ou la syntaxe (HTML, XHTML, CSS), on les trompe. Ils ont envie de le croire. L'apprentissage des langages du Web me semble aussi nécessaire que l'apprentissage de la lecture et de l'écriture et du calcul mental : c'est la condition de l'autonomie.

T. N. — Pensez-vous que l'accessibilité est bien comprise par les développeurs Web ?

Ch. L. — Pour que mon site soit accessible, je dois le faire en HTML 2.0, est la réponse la plus répandue. Pour être pro, il faut que cela se voie. Les astuces de pro, comme l'emploi de plusieurs feuilles de styles et d'un embranchement qui fasse suite à un renifleur de navigateur, c'est moins pro parce que cela ne se voit pas. Mais la pire chose que j'ai vue sur le site du ministère fut la célébration d'un poète présentant ses poèmes… tout en flash : si vous n'avez pas de plug-in, pas de poèmes ; le fait qu'il soit en Flash rend le document inaccessible au non-voyants et aux mal voyants… La valeur ajoutée approchait le néant. Pour bien faire, il aurait fallu offrir une présentation audio dite par des comédiens. Cela dit, nos efforts ne sont pas vains : la DRAC du Limousin a obtenu un prix spécial du jury des Electrophées 2003 pour avoir prévu une traduction en braille de son site. Toutefois, la page d'accueil, avec ses images animées, incommode l'épileptique ou la personne sujette aux malaises vagaux. L'objectif est perçu mais la technique appliquée doit être sans cesse en évolution.

T. N. — Quels conseils donneriez-vous à un webmestre pour rendre son site un peu plus accessible ?

Ch. L. — La page d'accueil doit être absolument accessible : c'est là qu'on donne le lien vers les pages alternatives, il ne faut donc pas se faire refuser l'entrée si l'on a un navigateur ancien. Dans notre genre d'industrie (le service public), toutes les pages doivent être accessibles ; seules les expositions artistiques devraient présenter des pages alternatives. Le musée de peinture virtuel, par exemple, devrait présenter des longdesc, c'est-à-dire de longues descriptions, si possibles polyglottes. Il faudrait aussi supprimer les frames et les juxtapositions d'images pour faire portail. S'interdire les coquetteries propriétaires, abandonner les éditeurs de page tel écran tel écrit, faire relire par un collègue informaticien ayant une bonne expérience du Web, avoir des amis handicapés et travailler pour eux. Faire un plan de navigation astucieux pour la maquette, faire un plan de page apparent, faire un plan de page invisible (pour les lecteurs d'écran) avec des boîtes "DIV" qui associent le titre au paragraphe, séparer la mise en forme du contenu… tout ce qui se fait avec le crayon avant de s'asseoir devant la machine. Penser à une feuille de style pour l'impression, parce qu'il existe encore des amoureux du papier imprimé : tout le monde ne dispose pas du haut-débit !

Tristan Nitot
OpenWeb Group

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