Comment mieux gérer les financements dans la prise en charge des personnes handicapées, de la naissance à la vieillesse, en passant par l'emploi notamment dans le cadre des Esat (Etablissements et services d'aide par le travail) ? Chantier jugé « important », quoi que « sans doute un peu plus austère mais tout aussi fondamental », qu'accepte de relever une poignée de sénateurs. Huit au total*, tous volontaires et de toutes sensibilités politiques, emmenés par Philippe Mouiller (Les Républicains - Deux-Sèvres). Ils réaffirment la mission de contrôle du Sénat, qui souhaite s'assurer que les deniers publics, issus dans ce domaine de l'Assurance maladie, de l'Etat et des collectivités (départements), sont bien utilisés…
Des intentions nouvelles
Le 25 janvier 2018, pour officialiser le lancement de ce groupe de travail porté par la commission des affaires sociales du Sénat, ils rencontraient Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au handicap, qui s'est dite satisfaite de la « qualité des échanges » avec l'institution, et même « frappée par l'intérêt transverse que le handicap suscite auprès des sénateurs ». Puis plusieurs sénateurs se sont exprimés sur leurs objectifs à l'occasion d'un point presse. Deux constats majeurs : la complexité du système français et l'importance de faire des propositions sur des « intentions nouvelles », selon Philippe Mouiller. « Réponse accompagnée pour tous, plan d'accompagnement global, fonds d'amorçage sont autant de dispositifs initiés dans les dernières années du quinquennat précédent et qui, bien qu'animés d'intentions louables, ne paraissent pas encore de nature à incarner la grande réforme d'ensemble que le secteur et les personnes handicapées attendent », explique le groupe de travail dans un communiqué. Il entend par ailleurs donner une vaste place à la recherche et à l'accompagnement des professionnels au changement.
Vers d'autres accompagnements ?
Ce groupe de travail compte s'appuyer sur les conclusions du rapport Piveteau rendu en 2013 qui préconise un profond changement de paradigme dans la prise en charge des personnes handicapées. Même si le financement des établissements médico-sociaux semble être au cœur de leur analyse, les sénateurs ont insisté sur la diversité des parcours de vie « sans rupture » au domicile via, notamment, la PCH (prestation de compensation du handicap). Questionnée sur l'impact des déclarations de la rapporteuse de l'ONU qui, après sa visite en France en octobre 2017 (article en lien ci-dessous), a prêché pour une désinstitutionalisation à outrance, Sophie Cluzel affirme que son « rapport est très stimulant et que les associations gestionnaires n'ont pas vécu cette perspective comme une grosse inquiétude car désinstitutionnaliser ne veut pas dire qu'on lâche les personnes dans la nature. »
Quelles priorités ?
Plusieurs problèmes, déjà soulevés à l'occasion d'un rapport présenté en décembre 2016 par Philippe Mouiller et Claire-Lise Campion sur l'exil de personnes handicapées en Belgique, paraissent également devoir être traités rapidement ; la fongibilité des dotations de l'Assurance maladie, l'impératif du décloisonnement des financements, l'aberration administrative des services et établissements cofinancés en constituent quelques exemples. « En matière de financement, les réformes menées jusqu'ici se sont malheureusement contentées d'une action de surface, sans jamais interroger la profondeur de certains dysfonctionnements », poursuit le communiqué.
Qui connait Serafin-PH ?
Par ailleurs, le groupe de travail s'est donné comme objectif de faire la lumière sur le projet de réforme de la tarification du secteur du handicap, « dont la représentation nationale ne connaît jusqu'ici que le nom » : Serafin-PH. Ponctuellement évoqué à chaque PLFSS (projet de loi de finance de la sécurité sociale), promis à des échéances variables entre 2020 et 2022, ce grand projet aux impacts nécessairement majeurs n'a, pour l'heure, pratiquement pas été présenté aux parlementaires, pourtant fréquemment interpellés sur les carences de l'offre de places dans leurs territoires et de ce fait à même d'éclairer la préparation de cette réforme.
Vers des décisions concrètes ?
Quel sera l'impact d'un rapport sénatorial ? Un de plus ? Vers des prises de décision concrètes ? Sophie Cluzel affirme « sa volonté d'un rapport de travail actif avec le gouvernement qui utilisera ces propositions comme support ». Elle donne l'exemple du rapport Campion sur l'exil des personnes handicapées vers la Belgique qui avait, in fine, inspiré la création du fonds d'amorçage dédié. Selon elle, « la force du Sénat est de s'appuyer sur les territoires ». Pour ce faire, les députés comptent aller sur le terrain pour « enclencher l'audition de spécialistes » et repérer les bonnes pratiques, y compris au-delà de nos frontières afin de « faire la synthèse de tout ce qui existe ». « Notre ambition, explique Philippe Mouiller, c'est de faire des propositions innovantes et pragmatiques ».
Un budget différent
Le groupe de travail promet donc des chiffres et peut-être même un budget global, pas forcément à la hausse mais « réorganisé différemment ». « La France ne manque pas d'argent dans ce domaine mais des sources d'optimisation sont possibles, explique Nassimah Dindar (UC - La Réunion), membre du groupe de travail. Il s'agit déjà de rendre l'organisation financière plus efficiente, et on abordera ensuite le sujet des financements supplémentaires ». La mission devrait présenter ses conclusions avant l'été 2018, en s'appuyant sur deux autres grands rendez-vous : la Conférence nationale du handicap et le lancement du 4ème plan autisme au printemps.
*Philippe Mouiller, président du groupe de travail (Les Républicains - Deux-Sèvres). Alain Milon, président de la commission des affaires sociales (Les Républicains - Vaucluse), Michelle Meunier (SOCR - Loire-Atlantique), Nassimah Dindar (UC - La Réunion), Michel Amiel (LaREM - Bouches-du-Rhône), Stéphane Artano(RDSE -Saint-Pierre-et-Miquelon), Dominique Watrin (CRCE - Pas-de-Calais) et Daniel Chasseing (Les Indépendants - Corrèze).