Handicap: Accessibilité de 2015 en danger : ça va chauffer !

Un rapport sur l'accessibilité vient d'être dévoilé. L'échéance de 2015 ne sera pas respectée et impose des solutions " intermédiaires ". Il n'en faut pas davantage pour mettre le feu aux poudres...

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Ceux qui avaient parié sur l'accessibilité en 2015 ont toutes les chances de perdre leur mise. L'étalon universel prend au fil du temps des allures de vieille rosse. Et dans cette course à l'égalité et à la solidarité, les cracks ont depuis longtemps déserté les hippodromes. On laboure, on herse, on s'enfonce, creusant chaque fois plus profond les sillons de la colère des associations de personnes handicapées.

Un rapport de 2011 gardé secret


Alors, lorsqu'un dossier poussiéreux hérité du gouvernement précédent que personne n'avait osé rendre public sort du placard, c'est tout le monde associatif qui menace de s'embraser.
Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée en charge des personnes handicapées, s'est exprimée le 12 septembre 2012 lors d'une conférence de presse. Elle y révèle les conclusions de ce rapport réalisé par l'IGAS, le CGEFI et le CGEDD, commandé en février 2011 et livré en octobre de la même année. Rien de bien nouveau au pays du soleil roulant... Pessimisme de rigueur sur le respect des échéances : l'obligation prévue par la loi handicap de 2005 de rendre accessibles aux personnes handicapées tous les bâtiments recevant du public (ERP), d'ici au 1er janvier 2015, ne pourra « en aucun cas être tenue ». Se dédouanant en toute légitimité d'un héritage qu'elle n'a pas à assumer, madame Carlotti a néanmoins indiqué sa volonté de voir l'accessibilité universelle aboutir en 2015, avec toutefois des objectifs moins ambitieux que prévu. Disons « intermédiaires » ! « Intermédiaires », c'est sûr, ça ne va pas plaire.

L'APF monte au créneau


Alors, disons-le tout clair, ça va chauffer ! L'AFP (Association des paralysés de France) en tête, dopée comme toujours, ouvre le bal. « L'accessibilité n'est ni divisible ni négociable ! Choisir, parfois à l'intérieur même des lieux, ce qui doit être accessible ou pas consiste à demander aux personnes en situation de handicap de choisir à quelle part de leur citoyenneté elles auront accès ! L'APF refuse ces choix qui n'en sont pas et déplore le retour en arrière décrit dans ce rapport ! » L'association refuse de rentrer dans ce type de concertation qui consiste à choisir entre la peste et le choléra. Un bâtiment doit être accessible dans son intégralité, sinon il ne l'est pas ! Tout est important et prioritaire pour les personnes en situation de handicap. Par ailleurs, l'APF rappelle que des lieux comme les mairies ou les restaurants sont aussi des lieux de travail pour des salariés handicapés. Ce rapport revient-il à dire qu'ils ne pourraient pas occuper l'ensemble du bâtiment dans lequel ils travaillent ?

Des enquêtes en pure perte


Le gouffre semble déjà profond mais autant continuer à le sonder... Alors sondons, sondons ! En premier lieu les préfets pour leur demander un état des lieux très précis des transports et du bâti sur l'ensemble de leur territoire (une initiative de madame Carlotti). En second lieu les collectivités locales et les entreprises (une initiative de Jean-Marc Ayrault qu'il souhaite confier à la sénatrice Claire-Lise Campion). Pourquoi cette énième étude, des euros investis en pure perte ? La réalité n'a pas besoin d'être sondée, elle parle d'elle-même. Seuls 15 % des ERP auraient entrepris les travaux nécessaires pour assurer l'accessibilité de leurs locaux aux usagers handicapés. Rappelons tout de même à tous ceux qui s'insurgent de ce couperet qui les menace depuis 2005 que l'accessibilité est, en réalité, une obligation nationale depuis 1975. Bientôt 40 ans et le constat est toujours le même : ce sont une fois encore les dix millions de personnes en situation de handicap et leur famille qui sont victimes de l'immobilisme des acteurs politiques !

Une belle mascarade


Selon les auteurs du rapport, « il est hautement souhaitable de maintenir l'échéance de 2015, qui permet de maintenir la pression sur tous les acteurs. » Mais quelle pression ? Pas de sanction, un discours arrangeant, des rapports camouflés... Qui donc craint encore aujourd'hui le moindre châtiment ? Entre dérogations à hautes doses et prétexte de crise, cette échéance promet de n'être qu'une belle mascarade. Pourtant, selon l'APF, « la mise en accessibilité n'entraîne pas de surcoût financier. C'est donc bien une impulsion politique et un accompagnement technique qui permettront de faire bouger les lignes ». D'autant que l'accessibilité n'est pas une demande catégorielle mais bien une question de société qui concerne l'ensemble de la population. Madame Carlotti a déclaré : « Nous verrons ensuite quelles propositions concrètes nous ferons en début d'année ». Elle peut compter sur les personnes concernées pour l'y aider... Et sans prendre de pincettes « intermédiaires » !

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr.Toutes les informations reproduites sur cette page sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par Handicap.fr. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, sans accord. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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