Accompagnement sexuel en France:la formation qui fait débat!

Une 1ère formation à l'accompagnement sexuel des personnes handicapées est organisée en France en mars 2015. Les antis montent au créneau pour dénoncer une incitation à la "prostitution". A quand un débat public sur cette question brûlante ?

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Une formation à l'accompagnement sexuel "pour les personnes qui pratiquent, souhaitent pratiquer cette activité ou tout simplement s'informer sur cette thématique". Près de Strasbourg, du 12 au 15 mars 2015. Une première dans notre pays ! Elle est organisée par l'APPAS (Association pour la promotion de l'accompagnement sexuel), présidée par Marcel Nuss, fervent militant sur cette question qui fait largement débat depuis des années en France sans que les choses n'avancent vraiment. Cette association se donne pour mission "de faire entendre la voix des personnes handicapées souffrant d'isolement et de misère affectifs et sexuels et de leur permettre d'accéder à l'expérience de l'exploration et de la découverte de leur corporéité à travers l'écoute, le toucher, les massages, les caresses et, si c'est leur choix et leur demande, par le truchement de l'accompagnement sexuel." Cette formation s'adresse principalement aux femmes car "nous avons déjà beaucoup de candidatures d'hommes pour le moment » précise l'APPAS. Ce sont pourtant majoritairement des hommes handicapés qui demandent un accompagnement sexuel !

"Pas un progrès, une régression"

Évidemment, sur un sujet aussi brûlant, pour ne pas dire explosif, les détracteurs se sont empressés de monter au créneau pour faire entendre leur voix. Une voix féminine en l'occurrence, celle de Maudy Piot, présidente de l'association Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir (FDFA), qui s'engage en faveur des femmes handicapées et n'a jamais fléchi d'un iota sur sa position depuis 2007. Elle considère que "l'assistance sexuelle, achat de services sexuels, est assimilable à la prostitution, et autoriser les services d'aidant-e-s sexuel-le-s pour les personnes handicapées supposerait d'aménager la législation sur le proxénétisme." Et de regretter que certains présentent cela comme un "progrès inéluctable" alors que, pour elle, "ce n'est rien d'autre qu'une régression".

Points de vue contraires

En tête des "antis", son association tente donc d'alerter l'opinion publique sur les "les conséquences dangereuses pour notre société de la reconnaissance de cette pratique. Plus particulièrement pour les femmes qui seraient une fois de plus utilisées à des fins de "marchandisation" mais aussi pour les personnes handicapées elles-mêmes, renvoyées une nouvelle fois à la ghettoïsation, à l'enfermement, soit chez elles, soit en institution." Selon FDFD, "aucune garantie n'éviterait d'éventuelles violences dans un huis-clos malsain." Les "pros" répondent par la mise en oeuvre de garanties pour éviter toute dérive. Au sein de Corps solidaires, par exemple, une association suisse romande qui organise des formations depuis 2009, parmi les conditions pour devenir assistant sexuel, il faut être âgé de plus de 30 ans et avoir une activité professionnelle. "C'est un point important parce que cela veut dire que (ces personnes) ne vont pas chercher à vivre de l'accompagnement sexuel" selon elle.

Ce que dit la loi !

Qu'en est-il du côté des institutions françaises ? En octobre 2012, le Conseil consultatif national d'éthique a rendu un avis défavorable sur cette question. "Il n'est pas possible de faire de l'aide sexuelle une situation professionnelle comme les autres en raison du principe de non-utilisation marchande du corps humain", relève-t-il, en réaffirmant que la sexualité n'est pas un droit. La France, contrairement à la Suisse romande, a donc dit "Non" ! Et FDFA de rappeler que "l'assistance sexuelle va à contre-sens de la position abolitionniste de la France et de la loi de lutte contre le système prostitutionnel votée à l'Assemblée nationale le 4 décembre 2013", toujours en attente d'un débat au Sénat que cette association réclame ardemment. Les candidats à la formation proposée par l'APPAS ne pourront donc pas exercer en France. Interpelée sur RFI le 11 février 2015, Ségolène Neuville, secrétaire d'Etat en charge des personnes handicapées, s'est rangée à cette position : "Il s'agirait de réglementer des rapports sexuels tarifés. Et ça, en France, pour le moment, c'est interdit par la loi." Pour le moment ?

Un vrai débat exigé ?

Des espoirs nourris pour Marcel Nuss qui, dans un éditorial du 3 octobre 2014, écrivait : "Nous allons déposer une demande de subvention auprès de la Fondation de France, avec pour objectif d'obtenir le financement d'une recherche-action dans le champ de la vie affective et sexuelle en milieu institutionnel. » Il aura face à lui une adversaire de taille en la personne de Maudy Piot puisque, le 5 février 2015, elle a été nommée membre du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes en tant qu'experte au sein de la commission Santé, droits sexuels et reproductifs ! On ne doute pas de l'implication de cette farouche opposante pour faire échouer cette bataille... Sans pour autant occulter la question puisque son association organise le 11 avril 2015 un colloque "Du corps imaginaire à la singularité du corps : le féminin en question", pour questionner sur la place de la femme en situation de handicap dans la société. Il y sera, aussi, question de sexualité...

© JPC-PROD/Fotolia

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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