Handicap.fr : Qu'observe-t-on aujourd'hui en matière d'emploi des travailleurs handicapés ?
Marie-Anne Montchamp : En France, en 2013, la question majeure est celle de l'emploi car de nombreuses entreprises sont en souffrance. Dans ce contexte, le maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés se pose de manière plus accrue, a fortiori avec le recul de l'âge de la retraite et donc une population qui vieillit. Le pari d'Entreprises et handicap, c'est d'apporter sa toute petite pierre à l'édifice de l'emploi tout court ! Nous avons besoin de chefs d'entreprise militants et cela ne va pas toujours de soi.
H.fr : Les « obligations » imposées aux entreprises ont permis d'accélérer le mouvement...
MAM : Oui, mais tout ne se joue pas seulement au moment du recrutement. Il y a une vie après la signature du contrat. Or cet « après », c'est-à-dire la vie au travail, c'est souvent la boite noire. Les travailleurs handicapés ont pourtant droit à une vie professionnelle, avec des perspectives d'évolution.
H.fr : « Recruté, et après ? ». C'était justement le thème de votre forum organisé le 14 janvier 2013, à Paris, au sein du CESE (Conseil économique social et environnemental) ?
MAM : Oui, c'est en effet une nouvelle étape. Depuis 2005, l'effort des entreprises a porté principalement sur le recrutement de salariés handicapés. Ce forum souhaitait donc aller plus loin sur les questions de maintien dans l'emploi, de formation, d'évolution des handicaps au cours de la vie professionnelle, d'allongement de la durée du travail, d'augmentation des maladies professionnelles...
H.fr : Ce forum était organisé par Entreprises et handicap, dont vous assumez la présidence. Quelles étaient les parties présentes ?
MAM : Nous avons invité tous les acteurs du handicap pour faire émerger de nouvelles pistes de réflexions et d'actions. Nous étions structurés en quatre collèges. Les entreprises, évidemment. Puis les associations de personnes handicapées. Les institutionnels comme Pôle emploi, l'Agefiph, le Fiphfp. Et enfin les organisations syndicales car, dans l'évolution du droit du travail, il est nécessaire d'enrichir le débat et les pratiques de négociations.
H.fr : Ce Forum ouvert était une première. Un concept plutôt novateur où chacun prend la parole...
MAM : Nous nous sommes inspirés d'un mode de débat participatif de plus en plus en vogue dans les entreprises. Il n'y avait pas d'ordre du jour. Chacun a fait ses propositions, puis des équipes se sont mises en place pour débattre, partager, échanger et proposer des contributions.
H.fr : A quoi, concrètement, vont servir les travaux réalisés lors de cette journée ?
MAM : Nous allons publier un livre blanc qui sera remis au gouvernement dès la première quinzaine de février 2013. Plus précisément à Marisol Touraine, ministre de la santé, qui m'a assuré qu'elle le recevrait. Si le gouvernement le juge utile, ce livre pourra inspirer sa réflexion en aval. C'est un matériau dense pour la négociation sociale et les pouvoirs publics. Nous avons été accueillis au sein du CESE, le lieu même du débat citoyen, qui ne pouvait que donner à notre forum de bonnes ondes...
H.fr : Vous qui avez-été ministre déléguée aux personnes handicapées sous le mandat Sarkozy, vous prêtez main forte à la nouvelle majorité ?
MAM : Evidemment lorsqu'il s'agit de mon engagement de toujours : les personnes handicapées. Cette journée au CESE était d'ailleurs placée sous le haut patronage de François Hollande. Nous espérons que notre travail pourra inspirer ses actions. Lors de cette journée marathon, nous avons concocté un précieux millefeuille dont nous allons tirer un certain nombre de fils et d'idées.
H.fr : Car la situation est loin d'être rose...
MAM : Il faut prendre en compte toutes ces aspérités et les transformer en points d'appui pour faire évoluer la question de l'emploi des personnes handicapées.
H.fr : Concrètement, que trouvera-t-on dans ce livre blanc ?
MAM : La restitution des 34 ateliers qui ont été suggérés et mis en place de manière spontanée par les participants.
H.fr : Quelle est la pièce d'achoppement de l'emploi des personnes handicapées ?
MAM : Qu'il entre dans une logique de stratégie durable des entreprises et ne soit plus considéré comme un domaine à part. Il faut continuer à affirmer que la politique du handicap est du ressort du droit commun et qu'elle cesse d'être celle de la subsidiarité.
H.fr : Vous avez également longtemps assumé la présidence de Fonda'mental, qui s'implique auprès des personnes avec un handicap psychique. Le parent, encore plus pauvre, de l'emploi des travailleurs handicapés ?
MAM : En effet, le choc des chiffres est une véritable injonction à agir. Dans le monde du travail, les pathologies psychiques et leurs conséquences sont majeures et engagent la survie de nos organisations collectives. Un vrai risque pour notre société ! La loi de 2005 a osé pointer le handicap psychique dans la définition du handicap. Maintenant, il faut savoir comment les pouvoirs publics vont prendre en main nos compatriotes et surtout comment rassurer les managers sur ces troubles qui ont une représentation particulièrement péjorative, d'autant qu'on a tendance à rendre ceux qui en sont atteints responsables de leur situation. Lorsque le diagnostic est fait à temps, ces personnes peuvent avoir une vie tout à fait normale et cela limite l'apparition du handicap.
H.fr : Lors de cette journée, les participants étaient tous, en quelque sorte, des « initiés » qui partagent la même envie de faire bouger les choses. Mais ne peut-on pas entendre aussi ceux qui restent méfiants, voire hostiles, à l'emploi d'une personne handicapée, qu'ils soient collaborateurs ou managers ?
MAM : La cause semble être entendue par la plupart des entreprises mais il y a encore quelques récalcitrants sur lesquels il faudra qu'on se penche. Peut-être l'objet d'un prochain forum... Ce livre blanc sera aussi un message que nous envoyons aux employeurs et aux acteurs économiques.
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