Suisse : conjuguer sexualité et handicap

Répondre au besoin de tendresse et à la sexualité des personnes handicapées est le délicat travail des assistants sexuels qui pratiquent légalement en Suisse depuis des années, mais leur activité suscite parfois l'incompréhension et l'indignati

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Par André LEHMANN

ZURICH (Suisse), 14 oct 2011 (AFP) -
Le salon de massage Andana est situé dans un immeuble anonyme de Zurich, loin des quartiers chauds de la ville.

Michelle Gut, une gracieuse Suissesse à la longue chevelure blonde, y accueille des clients pour des massages érotiques. Parmi ses clients figurent également des personnes en situation de handicap physique ou mental.

"Ce n'est pas facile d'avoir une vie de couple normale lorsqu'on est handicapé", explique Michelle qui exerce depuis les années 1990 comme masseuse et a obtenu un diplôme d'assistante sexuelle.

Installée dans l'une des pièces où elle reçoit les clients, une très confortable chambre qui n'a rien à envier à un hôtel de luxe, elle explique que ses clients handicapés "ont besoin de la tendresse sexuelle qui leur fait défaut".
"Certains ont comme seule référence la pornographie, d'autres ne savent strictement rien de la sexualité, car ils n'ont aucune expérience", raconte-t-elle.

En Suisse, les assistants sexuels sont formés en petit nombre depuis 2003 par des associations spécialisées et sur une sélection rigoureuse. Ils sont tout au plus une dizaine. La Confédération a pris modèle sur ce qui se pratique aux Pays-Bas, en Allemagne et au Danemark. Dans d'autres pays comme la France, la question fait débat.

Leur statut est assimilé à celui des prostituées et leurs prestations sont payantes et entièrement à la charge des clients. Michelle demande ainsi 200 francs suisses (162 euros) par heure pour une personne handicapée, contre 270 francs suisses pour une personne non handicapée.

Les services qu'elle offre aux personnes handicapées vont du massage classique aux caresses et se terminent par "un massage des zones érogènes", soit par une masturbation, explique Michelle.
La pénétration est exclue, précise-t-elle. "J'ai de très bons contacts avec les prostituées ou des assistantes sexuelles qui vont plus loin. Si un client veut plus, je le mets en contact", indique Michelle.

Les assistants sexuels mieux perçus que les prostituées

Les parcours des assistants sexuels sont aussi variés que leurs origines et leur travail ne doit jamais constituer une activité à temps plein, insiste Catherine Aghte Diserens, sexo-pédagogue spécialisée et formatrice pour adultes.

"Ce n'est pas un métier en soi, il faut même prouver une autre profession qui permet de gagner sa vie", insiste-t-elle.

Pour la présidente de l'association suisse Sexualité et handicaps pluriels (SEHP), les assistants sont "mieux acceptés par les parents et les responsables des institutions" que les prostituées, qui reçoivent pourtant régulièrement des personnes handicapées.

Mais leur activité ne convient pas toujours aux handicapés, qui ont besoin "davantage de temps et de contact relationnels", tandis que les prostituées peuvent être "impressionnées" par certains handicaps.
Jacques Arnould, la cinquantaine et marié, est l'un des rares assistants sexuels à témoigner à visage découvert, car même en Suisse cette spécialisation reste décriée, voire rejetée.
"Il y a encore un très grand travail d'information à accomplir", souligne ce kinésithérapeute et rééducateur en uro-gynécologie.

"Les personnes en situation de handicap sont comme les personnes valides:

elles ont des fantasmes, des attentes, des envies et des frustrations", précise Jacques.
"Il arrive que certaines personnes n'approuvent pas mon activité d'assistant sexuel et refusent de venir en traitement chez moi. D'autres, au contraire trouvent cela très bien", ajoute ce père de trois enfants, qui respectent son travail.
Et il raconte le désarroi des parents de personnes handicapées, abandonnés à leur sort et n'ayant pas de réponse quant à la sexualité de leurs proches.
"Est-il acceptable qu'une mère d'un jeune adulte trisomique doive l'aider à se masturber chaque semaine ?", demande-t-il.

Pour Jacques, "il faudrait que les personnes qui nous stigmatisent aient l'honnêteté de se renseigner sur l'assistance sexuelle et qu'elles aient un minimum d'empathie".
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