Elle vient pourtant d'être remise en cause par la Cour européenne des droits de l'homme qui a condamné la France, le 6 octobre 2005, pour le caractère rétroactif de cette loi.
Pour mémoire, la loi du 4 mars 2002 mettait fin à la célèbre jurisprudence « Perruche » par laquelle la Cour de cassation avait permis, le 17 novembre 2000, l'indemnisation intégrale du préjudice moral et matériel d'un enfant né gravement handicapé suite à l'erreur de diagnostic prénatal qui avait empêché la mère d'avoir recours à l'avortement, ainsi que l'indemnisation des parents.
Pour mettre fin à cette jurisprudence autorisant l'enfant à se prévaloir du seul préjudice d'être né, le gouvernement Jospin décida de faire adopter, le 4 mars 2002, une loi dont l'article 1er énonce que « nul, fût-il né handicapé, ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance ». Alors que cette loi n'était pas encore votée, deux couples de parents d'enfants nés handicapés, l'un en raison d'une erreur de diagnostic prénatal et l'autre en raison d'une inversion de deux résultats d'analyse avaient intenté en 1999 un recours contre l'Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP) afin d'obtenir une indemnisation pour le préjudice de l'enfant.
Lors de l'adoption de la loi, leurs recours étaient toujours inopérants et une fois la loi adoptée, leurs demandes ont été rejetées. Les deux couples avaient donc décidé de porter l'affaire devant la Cour européenne des droits de l'homme. C'est elle qui a décidé que l'application rétroactive de loi du 4 mars 2002 les avait privés d'une « partie substantielle » de l'indemnisation à laquelle ils avaient droit.
Condamnée sur le fondement de l'article 1 du Protocole n°1 de la Convention qui garantit « la protection de la propriété » avec comme corollaire « le droit au respect des biens », la France devra réparer le préjudice moral et matériel de ces deux couples.
L'indemnisation de ce préjudice constitue pour la Cour une « valeur patrimoniale » préexistante c'est-à-dire une créance en réparation qu'ils auraient pu percevoir si la loi du 4 mars 2002 n'avait pas été appliquée rétroactivement. Bien que le gouvernement se soit prévalu de la loi sur le handicap du 3 février 2005, la Cour a estimé que la compensation actuelle était très limitée et que « l'incertitude régnant sur l'application de la loi du 3 février 2005-quant à sa date d'entrée en vigueur et aux montants pouvant être versés aux requérants », ne permettait pas l'indemnisation du préjudice en cause de « façon raisonnablement proportionnée ».