Complément AEEH : la Cnaf modifie une instruction contestée

Après une vive contestation, la CNAF revient sur sa décision de priver certaines familles du complément d'AEEH en cas d'indemnités journalières. Un assouplissement bienvenu, mais des zones d'ombre subsistent, notamment sur les droits des chômeurs.

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Une tirelire cochon cassée sur un tas de pièces de monnaie.

DERNIERE MINUTE DU 20 AOUT 2025
La CNAF (Caisse nationale des allocations familiales) fait machine arrière sur son instruction du 5 décembre 2024 concernant le versement du complément d'Allocation d'éducation de l'enfant handicapé.

Réaction du ministère de tutelle

L'instruction initiale visait à refuser le versement d'un complément, pourtant décidé par la CDAPH (Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées), lorsque notamment des indemnités journalières étaient versées. Face aux réactions des associations, et notamment de TouPI qui a saisi le Conseil d'État, le ministère en charge des Solidarités et des Personnes handicapées a décidé d'intervenir, alors que la CNAF avait diffusé ses instructions sans consultation préalable avec ses administrations de tutelle.

Des règles de non-cumul assouplies

Dans sa nouvelle instruction du 28 juillet 2025, la Cnaf déclare : « De récents échanges avec notre ministère de tutelle viennent assouplir les règles de non-cumul entre les compléments de l'AEEH attribués pour réduction d'activité et les indemnités journalières versées au titre de la maladie ou d'un accident du travail qui conduisent à rendre possible le cumul entre certains revenus de remplacement (les indemnités journalières maladie ou accident du travail) et le complément de l'AEEH attribué pour réduction d'activité, dès lors que l'activité exercée était à temps partiel avant l'arrêt maladie. »

Du fait de l'arrêt de travail, même avec indemnités, les ressources des bénéficiaires étaient diminuées ; la suppression du complément d'AEEH provoquait donc une double peine.

Un cumul toujours impossible avec les indemnités chômage

Cette nouvelle instruction rétablit donc leurs droits, à compter de sa publication et à titre rétroactif ... s'il y a réclamation. La CNAF maintient cependant sa position sur le cumul avec les indemnités journalières maternité et chômage. Difficile à comprendre, d'autant plus qu'une jurisprudence a établi le cumul possible avec des indemnités chômage : il s'agissait de l'ASS (Allocation de solidarité spécifique), mais la motivation semble la même dans toute situation de chômage.

L'association TouPI continue à accompagner dans leur recours les allocataires privés d'un complément d'AEEH. Affaire à suivre...

ARTICLE INITIAL DU 22 JUIN 2025
Depuis le 5 décembre 2024, une instruction de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) bouleverse l'attribution des aides destinées aux parents d'enfants en situation de handicap. Désormais, les Caf peuvent remettre en cause les décisions des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) concernant l'Allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH), une aide précieuse pour les familles. Ce changement a déjà des effets concrets : retards de versements, incompréhension, décisions contestées...

AEEH ou PCH : quelle allocation choisir ?

Rappelons le contexte. Les parents ayant un enfant handicapé à charge peuvent demander à la MDPH une « décision » attribuant l'AEEH. Six compléments de cette allocation sont possibles, en fonction des frais, du temps d'activité professionnelle des parents ou du recours à une tierce personne. Depuis 2008, les parents qui bénéficient d'un complément de l'AEEH peuvent choisir, à la place, la Prestation de compensation du handicap (PCH). En résumé : si une aide humaine est nécessaire (diminution du temps de travail et/ou embauche), la PCH est souvent plus favorable. En revanche, en cas de frais de soins élevés, le complément d'AEEH est plus adapté, car la PCH dédiée aux soins est plafonnée à 100 euros par mois.

Un lien direct avec l'activité professionnelle des parents

D'autre part, la MDPH fixe le montant du complément d'AEEH en fonction de la réduction d'activité des parents, à condition que celle-ci soit due au handicap de l'enfant. Par exemple, si  si un parent ne peut pas travailler à plus de 80 %, le complément 2 peut lui être attribué. S'il ne peut exercer aucune activité, le complément 4 est alors notifié.

Un double contrôle administratif qui provoque des retards

L'instruction de la CNAF bouleverse ce fonctionnement. Elle impose aux Caf de vérifier dès, l'ouverture du droit, si la décision de la MDPH est cohérente avec les données que la Caf détient sur l'activité des parents. Pourtant, la MDPH a déjà effectué cette évaluation. Ce contrôle parallèle provoque des retards dans le versement de l'AEEH, qui s'ajoutent aux délais déjà longs de traitement des demandes par la MDPH. Plus grave : la CNAF autorise les Caf à modifier la décision de la MDPH sans validation de cette dernière, en contradiction avec la réglementation habituelle.

L'association TouPI alerte sur des droits bafoués

Face à cette nouvelle pratique, l'association TouPI (Tous pour l'inclusion), qui milite pour les droits des personnes avec un handicap cognitif, a saisi le Conseil d'État. Elle estime que cette instruction remet en cause les droits fondamentaux des familles et fragilise des foyers déjà vulnérables. Elle documente aussi des cas concrets où les CAF appliquent cette instruction de manière excessive, au détriment des allocataires (dossier complet sur le site de TouPI).

Interrogé par Handicap.fr, le cabinet de la ministre déléguée au Handicap, Charlotte Parmentier-Lecocq, informe que ce dossier est en cours d'expertise. Les conditions d'un contrôle nécessaire sont à déterminer, sans priver les familles de leurs droits à la prestation.

Des interprétations abusives de certaines Caf

Louise (son prénom a été modifié), par exemple, perçoit l'AAH et un complément d'AEEH depuis longtemps. Lors d'un renouvellement de l'AEEH, la MDPH lui donne le choix (prévu par la réglementation) entre complément d'AEEH et PCH. Elle opte pour le premier. Mais la Caf refuse de le verser, sous prétexte qu'elle continue à percevoir l'AAH. Celle-ci n'est pourtant pas visée par l'instruction CNAF, et le texte réglementaire indique que l'AAH est compatible avec un complément. Comment faire un choix éclairé dans ce cas ? Doit-elle demander à la MDPH de revoir son choix initial et de lui attribuer la PCH ?

Autre situation : Arlette (son prénom a été modifié) a obtenu le complément 4 car elle ne peut travailler qu'à 50 % et supporte des frais importants pour son enfant en situation de handicap. En complément, elle perçoit des indemnités chômage. Pour cette raison, la CAF refuse de lui verser tout complément, une surenchère par rapport à l'instruction de la CNAF. Or la jurisprudence permet le cumul d'indemnités chômage avec un complément d'AEEH pour un temps partiel. La CAF ne saisit même pas la MDPH.

Ces cas concrets illustrent un climat d'incertitude pour les familles, suspendues à des démarches complexes, parfois absurdes, pour accéder aux aides auxquelles elles ont pourtant droit. 

© Pixelshot / Canva

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