AEEH : une instruction de la Cnaf pénalise les familles

Depuis décembre 2024, une instruction de la Cnaf bouleverse l'attribution de l'AEEH. Les Caf remettent en cause les décisions des MDPH, privant certains parents d'enfants handica-pés d'aides essentielles. TouPI saisit le Conseil d'État.

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Une tirelire cochon cassée sur un tas de pièces de monnaie.

Depuis le 5 décembre 2024, une instruction de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) bouleverse l'attribution des aides destinées aux parents d'enfants en situation de handicap. Désormais, les Caf peuvent remettre en cause les décisions des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) concernant l'Allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH), une aide précieuse pour les familles. Ce changement a déjà des effets concrets : retards de versements, incompréhension, décisions contestées...

AEEH ou PCH : quelle allocation choisir ?

Rappelons le contexte. Les parents ayant un enfant handicapé à charge peuvent demander à la MDPH une « décision » attribuant l'AEEH. Six compléments de cette allocation sont possibles, en fonction des frais, du temps d'activité professionnelle des parents ou du recours à une tierce personne. Depuis 2008, les parents qui bénéficient d'un complément de l'AEEH peuvent choisir, à la place, la Prestation de compensation du handicap (PCH). En résumé : si une aide humaine est nécessaire (diminution du temps de travail et/ou embauche), la PCH est souvent plus favorable. En revanche, en cas de frais de soins élevés, le complément d'AEEH est plus adapté, car la PCH dédiée aux soins est plafonnée à 100 euros par mois.

Un lien direct avec l'activité professionnelle des parents

D'autre part, la MDPH fixe le montant du complément d'AEEH en fonction de la réduction d'activité des parents, à condition que celle-ci soit due au handicap de l'enfant. Par exemple, si  si un parent ne peut pas travailler à plus de 80 %, le complément 2 peut lui être attribué. S'il ne peut exercer aucune activité, le complément 4 est alors notifié.

Un double contrôle administratif qui provoque des retards

L'instruction de la CNAF bouleverse ce fonctionnement. Elle impose aux Caf de vérifier dès, l'ouverture du droit, si la décision de la MDPH est cohérente avec les données que la Caf détient sur l'activité des parents. Pourtant, la MDPH a déjà effectué cette évaluation. Ce contrôle parallèle provoque des retards dans le versement de l'AEEH, qui s'ajoutent aux délais déjà longs de traitement des demandes par la MDPH. Plus grave : la CNAF autorise les Caf à modifier la décision de la MDPH sans validation de cette dernière, en contradiction avec la réglementation habituelle.

L'association TouPI alerte sur des droits bafoués

Face à cette nouvelle pratique, l'association TouPI (Tous pour l'inclusion), qui milite pour les droits des personnes avec un handicap cognitif, a saisi le Conseil d'État. Elle estime que cette instruction remet en cause les droits fondamentaux des familles et fragilise des foyers déjà vulnérables. Elle documente aussi des cas concrets où les CAF appliquent cette instruction de manière excessive, au détriment des allocataires (dossier complet sur le site de TouPI).

Interrogé par Handicap.fr, le cabinet de la ministre déléguée au Handicap, Charlotte Parmentier-Lecocq, informe que ce dossier est en cours d'expertise. Les conditions d'un contrôle nécessaire sont à déterminer, sans priver les familles de leurs droits à la prestation.

Des interprétations abusives de certaines Caf

Louise (son prénom a été modifié), par exemple, perçoit l'AAH et un complément d'AEEH depuis longtemps. Lors d'un renouvellement de l'AEEH, la MDPH lui donne le choix (prévu par la réglementation) entre complément d'AEEH et PCH. Elle opte pour le premier. Mais la Caf refuse de le verser, sous prétexte qu'elle continue à percevoir l'AAH. Celle-ci n'est pourtant pas visée par l'instruction CNAF, et le texte réglementaire indique que l'AAH est compatible avec un complément. Comment faire un choix éclairé dans ce cas ? Doit-elle demander à la MDPH de revoir son choix initial et de lui attribuer la PCH ?

Autre situation : Arlette (son prénom a été modifié) a obtenu le complément 4 car elle ne peut travailler qu'à 50 % et supporte des frais importants pour son enfant en situation de handicap. En complément, elle perçoit des indemnités chômage. Pour cette raison, la CAF refuse de lui verser tout complément, une surenchère par rapport à l'instruction de la CNAF. Or la jurisprudence permet le cumul d'indemnités chômage avec un complément d'AEEH pour un temps partiel. La CAF ne saisit même pas la MDPH.

Ces cas concrets illustrent un climat d'incertitude pour les familles, suspendues à des démarches complexes, parfois absurdes, pour accéder aux aides auxquelles elles ont pourtant droit. 

© Pixelshot / Canva

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