Un jeune sourd dans une classe d'entendants, 'concentré à 200 %'

Ses prothèses auditives cachées sous ses cheveux longs, Charles, 15 ans, est rentré lundi en seconde au lycée parisien Rodin, heureux d'être 'intégré' dans une classe d'entendants, même si exige d''être concentré à 200 %'.

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Paris, 4 sept 2006
Par Laurence BOUTREUX

Cette année, quasiment la moitié des élèves inscrits à l'Institut national des jeunes sourds (INJS) vont suivre leurs cours à l'extérieur, dans un établissement "ordinaire" (98 sur 208).
Sans retard scolaire, Charles, semble être une publicité vivante pour cette politique d'"intégration" des déficients sensoriels dans l'Education nationale, dont le principe est inscrit dans la loi Egalité des chances.
"Il y a deux ans, raconte ce jeune Parisien élégant, j'étais le seul sourd dans une classe d'entendants. Honnêtement, j'ai trouvé ça super : ça m'a forcé à m'ouvrir, à me faire des amis entendants..."
L'adolescent réunissait bon nombre de conditions : d'une surdité classée "moyenne à sévère", il avait fait "des progrès spectaculaires" après avoir été appareillé à 3 ans. Il ne pratiquait par la langue des signes mais parlait vraiment bien le français, lui qui rencontrait chaque semaine son orthophoniste "depuis douze ans" et avait toujours été "soutenu" par ses parents, l'un ergonome, l'autre marchand d'art.
Dans sa classe, ils sont trois élèves sourds à suivre tous les cours avec les entendants, quitte à se faire aider parfois par un interprète traduisant par gestes en langue des signes française ou par un codeur LPC (langage parlé complété, apprentissage de la lecture sur les lèvres complété par des gestes).
Charles ne nie pas les difficultés, notamment quand "les camarades font du bruit, rien qu'en chuchotant".
Inès, 16 ans, a cessé l'intégration individuelle quand elle était en 4e :
"Ce n'était pas facile d'écrire le cours tout en lisant sur les lèvres des profs qui bougeaient dans la classe...".
Elle redouble sa seconde dans une "classe annexée" : plusieurs jeunes sourds y étudient, entre eux, l'histoire-géographie, le français et l'anglais.
Ils rejoignent les entendants pour le sport, les TP ou "le cours de maths" co-animé par un enseignant sachant "coder et signer".
Youssef Alimi, professeur à l'INJS en charge de l'intégration, aime à rappeler qu'"un ancien élève a été reçu en juin à l'école de médecine de Paris, classé 119e sur 1.850". "Il y a encore 25 ans, on ne rêvait même pas que des sourds atteignent les bacs généraux..."
Mais "il y aura toujours des établissements médico-sociaux pour les enfants qui ont besoin d'un suivi spécialisé", tempère le directeur de l'INJS Jean-François Dutheil.
Communiquant en langue des signes avec ses deux parents, Fanny, 13 ans, assure, tout sourire, que "c'est mieux les sourds ensemble!"
"On peut tous communiquer, tous signer...", ajoute cette élève de 6e dans le collège spécialisé de l'INJS.
D'une surdité "profonde", elle n'est pas appareillée et ne pourra jamais parler : "Il vaut mieux que les cours aillent à son rythme, conclut sa mère Nadine Sauvreneau, plutôt que de l'inciter à lutter toute sa jeunesse pour ne pas y arriver".


lbx/pmg/DS

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