Une Economie de Guerre pour un Liban en mal de développement
R. Chouerie :La guerre récente perpétrée à l'encontre de la population civile Libanaise a laissé, encore une fois, le pays des Cèdres dans un état exsangue.
Près de 1.000 personnes ont trouvé la mort, criblés de débris des missiles aéroportés ou asphyxiés sous les décombres des 150.000 habitations qui ont été intégralement radiées.
Le cessez-le-feu du lundi 14 août a fait un tollé parmi les 950.000 réfugiés qui ont pu regagner leurs villages. Mais aussi dans les cercles des économistes Libanais qui estimaient, dès les premières heures, le montant des dommages à 15 Milliards d'Euros (dont un quinzième, il est vrai, aurait été levé grâce au concours des pays donateurs, suite à la conférence de Stockholm la semaine dernière).
Ce sera, donc, avec une dette globale de 47 Milliards que le Liban devra faire face à son avenir, une dette non négligeable puisqu'elle représente près de 360% de son PIB (ou encore 16 ans de ses dépenses d'Etat !)
Si à l'heure actuelle le choc du ravage dernier n'a pas encore permis l'évaluation des contributions publiques nouvelles en affaires sociales, il demeure que les budgets qui étaient relégués à cet effet avant la guerre de juillet ne représentaient que quelques 3% du budget national (la majeure partie étant consacrée, justement, au payement des intérêts de la dette). Un tel constat est révélateur des appréhensions des organisations caritatives et humanitaires : la budgétisation devient une tracasserie vue l'impossibilité de projeter sur le long terme toute activité institutionnelle. Le « prix de journée », à titre d'exemple, s'élève à moins de EUR 3 pour la prise en charge journalière d'une personne polyhandicapée (à savoir que le coût de la vie est comparable à celui en France) !
Le souci est évident quant à la prise en charge prochaine des 25.000 personnes handicapées que nous estimons en institutions. Un souci financier, à fortiori. Surtout que ce nombre sera à la hausse suite à la guerre fraîchement révolue. Les atteintes sont effectivement nombreuses d'une part (celles enregistrées durant la guerre, ou encore celles qui sont survenues suite aux détonations de mines anti-personnelles , lesquelles détonations perdurent encore !) Il y a aussi les autres, à qui un mode d'encadrement adapté est recherché à cause de la précarité de la nouvelle donne ou suite à la perte d'un parent.
Malgré tous ces aléas, je continue à espérer que les Libanais sauront vêtir leur volontarisme remarquable pour faire face à ces nouvelles difficultés, comme ils l'avaient si bien fait dans un passé pas très lointain. Fort d'une législation nouvelle en faveur de la personne handicapée (avalisée en date de juin 2000), et de centres associatifs nombreux, le Liban saura-t-il sauvegarder l'intégrité de son paysage social et protéger ses populations fragilisées ?
« Al-Kafaàt », pour sa part, doublera les efforts pour maintenir fermes ses services auprès des plus nécessiteux des Libanais, et ce en s'acclimatant d'une nouvelle économie. Une économie de guerre qui dure depuis beaucoup trop longtemps et qui contraint les demandeurs de Libertés à des exercices quelquefois surréels. Mais les Hommes ne sont-ils pas condamnés à être libres, devait dire Sartre ?!
[BI]Raif CHOUEIRI, Directeur Général de la Fondation Al-Kafaàt
De son nom Arabe qui signifie Les Compétences, « Al-Kafaàt » est une ONG de Développement qui vise la réhabilitation socioprofessionnelle, médicale et thérapeutique, de personnes atteintes d'un handicap. « Al-Kafaàt » a été fondée en 1957 par un philanthrope qui décida de vouer sa fortune familiale aux « plus petits d'entres les Hommes », et délivre aujourd'hui des services variés auprès de 4,500 bénéficiaires journaliers présents à ses 7 centres de Beyrouth. Ces services comprennent des soins et programmes spécialisés dans les troubles du comportement (dont l'autisme), le retard mental, la déficience auditive, l'handicap cérébral ainsi que ceux affectés aux jeunes polyhandicapés www.al-kafaat.org ).[EI]