Handicap et travail
Par Sarah DAWALIBI
PARIS, 4 juin 2007 (AFP) - Le slogan phare de Nicolas Sarkozy "travailler plus pour gagner plus" fait mouche auprès des travailleurs handicapés du Centre d'aide par le travail des Beaux-Arts, à Paris, qui, à quelques jours des législatives, demandent à être traités comme des citoyens à part entière.
"Travailler plus pour gagner plus? Mais moi et mes copains, même si on fait plus d'heures, on gagne pas plus, sur la feuille de paie c'est toujours pareil, même quand on travaille le samedi parce qu'il y a urgence", constate Rhiad Kayatti, salarié du CAT.
Il a participé, aux côtés de neuf autres travailleurs handicapés mentaux et psychiques de cet atelier protégé du VIe arrondissement de Paris, à une rencontre organisée lundi par la radio associative "Vivre FM" avec deux candidats aux législatives, Jean-Claude Beaujour pour l'UMP (6e circonscription) et Lyne Cohen-Solal pour le PS (2e circonscription).
Et "la paye n'a pas assez augmenté", renchérit aussitôt Madani Ghaoui, également employé de l'atelier qui réalise des travaux de conditionnement, des mailing, de la confection de bijoux et des rénovations d'appartements.
"On paye les travailleurs entre 5 et 20% du Smic, et ils touchent en plus l'allocation adulte handicapés (AAH, 621 euros, ndlr), mais les deux additionnés, cela ne peut pas dépasser le Smic", explique Edouard Panico, directeur de l'établissement.
"C'est un mécanisme de vases communiquants: plus on les paye, moins ils touchent d'AAH, donc ils ont toujours le même revenu, même si nous on les augmente un peu avec l'ancienneté ou si on leur verse une prime de fin d'année".
"Il faudra trouver une solution qui vous permette de gagner un peu plus si vous le souhaitez", répond Jean-Claude Beaujour.
"C'est facile de dire travailler plus pour gagner plus, mais pour l'instant, les heures supplémentaires qui existent ne sont pas toutes utilisées", rétorque la candidate socialiste Lyne Cohen-Solal.
De plus, "c'est pas le travailleur qui décide s'il travaille plus, mais c'est l'employeur", explique-t-elle, en ajoutant que "travailler plus pour gagner plus laisse de côté les chômeurs, qui eux, ne travaillent pas du tout".
Au-delà du travail, les participants témoignent de leur volonté d'être traités comme des citoyens à part entière, en se demandant pourquoi certains n'ont pas le droit de vote, et en soulignant la difficulté du regard des
autres sur leur handicap.
"Je suis sous tutelle et j'ai pas le droit de voter, j'ai demandé au juge mais il a refusé. Pourquoi les handicapés n'ont pas le droit de voter ?" s'interroge Madani Ghaoui.
"Le droit de vote est un droit de citoyenneté, qui permet à chacun de s'intégrer dans la société", répond Lyne Cohen-Solal, tout en rappelant que la loi handicap de 2005, puis la loi de mars 2007 sur les tutelles, ont élargi
l'accès au vote des personnes handicapées mentales, qui en étaient jusque là majoritairement privées.
"Souvent les gens nous regardent comme si on n'était pas comme eux", explique Renaud Bertrand, un témoignage repris par Agathe Frachot, qui souligne la difficulté du "regard des autres dans le bus": "C'est du racisme!".
Le candidat UMP acquiesce: "Il y a dans notre pays cinq millions de personnes handicapées, mais on ne les voit jamais, il faut que nous apprenions à vivre avec les personnes handicapées pour qu'il n'y ait plus un regard de
gène".
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